Voici un feel-good movie, selon l’expression consacrée, un film pour se sentir bien en français dans le texte. Le terme renvoie à une forme de légèreté, un côté non prise de tête censé assurer un moment de vraie détente au cinéma. Le feel-good movie n’est pas vraiment une comédie pure, un peu de mélancolie peut s’y glisser voire un arrière-fond social.
Encore heureux suit ce programme à la lettre, avec un peu plus d’élégance que dans beaucoup des films de cette catégorie. Les dialogues sont travaillés, caustiques, Benoît Graffin n’est pas le co-scénariste de Pierre Salvadori pour rien. Le duo Sandrine Kiberlain-Édouard Baer fonctionne et les enfants du film sont moins insupportables que dans la plupart des autres comédies familiales hexagonales.
Le film repose tout entier sur un rapport étonnant à l’argent, détaché quelque part de toute morale. En temps de crise, pour en gagner, pour en avoir, la débrouille est de mise, et les petits larcins ne sont pas à exclure. « L’honnêteté, c’est un concept inventé par les riches pour que les pauvres ferment leur gueule », telle est la punchline mise en exergue par le service marketing du distributeur EuropaCorp. Ainsi la famille décrite à l’écran n’hésite pas à dérober quelques produits de nécessité dans les hypermarchés, au risque de se faire prendre, ou à user des ressources d’une voisine décédée et sans héritiers.
Cet aspect légèrement anarchiste – où est mis tout de même en avant la redistribution des richesses par une forme d’expropriation douce – est surprenant dans un genre de comédies qui surfe d’ordinaire sur les bons sentiments, où les transgressions si elles existent sont rarement très marquées. Même si comme souvent on souhaiterait qu’Édouard Baer prenne plus de risques dans une carrière désormais uniquement jalonnée de comédies faciles, il faut reconnaître qu’il sait donner une belle humanité à son personnage, mentalement et physiquement cassé, à côté de ses pompes.
Une narration balisée
Une fois formulés ces quelques compliments, il n’en reste pas moins que le film ne vise pas très haut. Excepté le substrat social avec l’évocation du chômage qui ronge notre société, et la transformation du vol en entreprise de recyclage finalement éthique, la ligne narrative est très balisée.
On retrouve un personnage de concierge, légèrement excentrique, vu mille fois ces dernières années dans les comédies françaises. Nous avons comme point d’orgue une scène d’émotion autour d’un concours de piano, avec une enfant forcément surdouée, puisque que tout ne peut pas être noir d’encre dans cette famille. Et Bulle Ogier fait office de grand-mère déviante, indigne, là aussi une figure bien connue des comédies françaises récentes.
Classique, dirait-on pour être gentil, lambda pour l’être un peu moins, Encore heureux souffre surtout d’une mise en scène atone. Les plans ont tendance à surligner l’action, par des zooms malencontreux, ou en surchargeant les décors de mille objets comme pour remplir le cadre. Passé les premières minutes, le film devient alors si prévisible qu’il en est soporifique, suscitant un ennui profond. Les petits rebondissements s’enchaînent permettant à notre famille en or de redresser la barre, d’éviter les fourches caudines de la justice, et de se remettre sur de bons rails. La boucle est bouclée.
À la sortie de la salle, il s’avère difficile de parler du film, ou comme ici d’écrire à son sujet, tellement il n’y a finalement rien à en dire, qu’il est totalement ce qu’on pensait ce qu’il serait. Dans deux semaines, il n’en restera que de vagues souvenirs, ni plaisants ni déplaisants, neutres en somme. Ce n’est pas dramatique, mais ce n’est pas vraiment ce que l’on est en droit d’attendre du cinéma, même pour un feel-good movie.