Lydia est jeune et belle, Arvid est jeune et beau. Tous deux vivent une histoire d’amour contrariée par le manque d’argent dans la Suède du début du XXe siècle. Aux commandes de ce film qu’on imagine déjà passionnément romantique, on trouve Pernilla August, d’abord remarquée comme actrice chez Bergman (Fanny et Alexandre). Une tendre histoire à l’ancienne et du beau monde convoqué au balcon : A Serious Game a sur le papier de quoi contenter notre cœur de cinéphile, ou tout au moins notre cœur tout court. Hélas, ces grandes espérances sont déçues par un film trop froid pour faire chavirer, trop classique pour passionner.
Comment parler de la passion amoureuse sans en faire trop, comme dans le flamboyant Barbier de Sibérie de Nikita Mikhalkov (1998), auquel on ne peut s’empêcher de penser ici ? Pernilla August a choisi l’inverse, soit la retenue, avec ses nombreuses ellipses narratives et ses symboles pesants sur le défilement des saisons (la relation des deux amants s’affadit l’hiver, se réchauffe l’été). Elle contribue alors involontairement à réactiver le cliché de la froideur suédoise, sans parvenir à l’exalter par la maîtrise de sa mise en scène comme chez Bergman. Plus triste encore, la cinéaste ne rend jamais ses personnages suffisamment vibrants pour provoquer le désir qu’ils surmontent les obstacles et se retrouvent.
Des personnages sans charisme
Au contraire, le héros masculin, aussi charismatique qu’un poisson rouge, semble se contenter tout au long du film de se laisser porter par les événements. S’il décide finalement de prendre sa vie en main dans les dernières minutes, c’est avec une lâcheté à l’égard de son épouse qui le rend profondément cruel. La réalisatrice semble globalement condamner l’attitude des hommes en général vis-à-vis de Lydia : A Serious Game n’est pas pour autant un film féministe, ou tout au moins porté par son héroïne féminine, quoique la superbe Karin Franz Körlof nous enchante plus d’une fois. Abattue par les coups du sort – elle perd son père, doit se marier sans amour, divorce, est coupée de sa fille et provoque le suicide d’un de ses amants –, elle aussi semble se laisser aller sans véritablement se battre. Le film la présente comme une artiste (elle peint) mais cette activité est toujours laissée en arrière-plan comme un joli décor inutile.
A Serious Game, « un jeu sérieux », vraiment ? Pernilla August penche trop vers le sérieux et pas suffisamment vers le jeu (sauf à trop appuyer moult plans sur les mains de ses personnages, qui se mêlent sans jamais se serrer). Avec ce film convenu dans son classicisme, jamais désagréable à regarder mais sans véritable vie, elle oublie le principe même du romantisme : faire prévaloir le sentiment sur la raison.