On devine pourquoi la Semaine de la critique, sélection qui, on le rappelle, accompagne les premiers ou deuxièmes longs de cinéastes émergents, a choisi Alma Viva pour le coup d’envoi de sa dernière édition : le film raconte l’éveil et la maturation d’un regard. Pour s’en convaincre, on peut comparer son ouverture et sa conclusion, mises en miroir. S’il débute sur l’œil d’une enfant, Salomé (Lua Michel, la fille de la réalisatrice), qui contemple un étrange rituel à travers le petit trou d’une porte, il s’achève sur une série de plans larges filmés à l’aide d’un drone, partant du visage apaisé de la jeune fille pour s’élever vers les cieux. De la pénombre à la lumière, de l’intérieur à l’extérieur, de la terre au ciel, Cristèle Alves Meira déplie un récit initiatique dont les coutures sont nettes : Salomé, en vacances chez sa famille portugaise, assiste à la mort de sa grand-mère, un peu sorcière sur les bords, à laquelle elle est très attachée. Tandis que les funérailles s’organisent, la petite fille semble prise de mystérieuses transes qui laissent à penser qu’elle serait possédée par la défunte. Sur le papier, le projet n’est pas sans beauté : Salomé est présentée comme un « corps ouvert » accueillant les esprits et des forces invisibles. Mais le film, assez carré, dilue son potentiel fantastique dans un mélange mal dosé entre la peinture d’un village pittoresque et une poignée de visions semi-inquiétantes, où l’enfant devient le vaisseau d’une vengeance. Si l’hybridité (de registres, mais aussi de cultures, les personnages ayant un pied au Portugal et un autre en France) semble être le maître-mot de ce premier long, la manière dont il tresse ses différents fils témoigne d’un caractère étonnamment sage.