En voulant réaliser un portrait de femme doublé d’une réflexion sur quelques-unes des problématiques de l’Israël d’aujourd’hui, Nadjari essaie de jouer sur les deux fronts – intimiste et social – sans réussir sur aucun des deux tableaux. La faute en incombe à un scénario manquant de profondeur, et à une mise en scène agaçante qui scrute frénétiquement les visages mais ne prend pas beaucoup de recul.
Avanim se veut un portrait de femme, une femme israélienne confrontée à des problématiques contemporaines, telles que la tension entre laïcité et religion ou encore la place de la femme dans une société régie par des hommes. Le point de vue privilégie le regard de l’héroïne. Il s’agit donc de voir le monde et les événements par ses yeux, avec une caméra à hauteur des personnages, dans un style hésitant entre fiction et documentaire. Les dialogues sont d’ailleurs en grande partie improvisés, de manière à capter le ressenti et l’authenticité de chaque séquence… du moins en théorie.
Entre l’autorité du père, du mari et de la religion, Michale doit faire face à des préoccupations sentimentales, professionnelles et familiales. Le film est donc une suite de ruptures illustrant les difficultés qu’elle rencontre dans son quotidien de femme. Malheureusement, le réalisateur s’enlise inexorablement dans ce quotidien. Il est fort probable qu’il aurait pu retranscrire les émotions de Michale et rendre palpables sa détresse et ses interrogations sans nous infliger ces interminables scènes de repas, ou ces actions répétitives et dépourvues d’originalité. Le début du film nous fait vivre son quotidien presque en temps réel : une escapade à l’hôtel avec son amant, l’escale au bureau, le petit garçon récupéré à l’école (et toujours le dernier, bien sûr, comme le lui fait remarquer l’institutrice), les courses au supermarché, la préparation du repas, le retour du mari etc.
L’ensemble souffre d’un manque d’unité, alternant les scènes qui traînent en longueur, et celles qui sont expédiées, alors qu’elles auraient mérité un peu plus de consistance et de variations. Par exemple, en quelques minutes, nous assistons à la mort et à l’enterrement de l’amie, ainsi qu’à la réconciliation avec le père, événements que nous avons à peine le temps de « digérer ». Nadjari ne fait qu’effleurer les possibilités des conflits et des moments de tension, alors qu’ils auraient pu générer les scènes les plus intéressantes et les plus intimistes du film. Le drame qui touche Michale se résume alors à un amant que le spectateur a aperçu une fois, et qui disparaît aussitôt dans un attentat ; elle quitte son mari et sa maison sur un coup de tête (du moins c’est l’impression qui s’en dégage, puisque ses motivations ne sont pas réellement examinées et sa relation avec son mari n’est pas assez explicitée) ; et pour couronner l’ensemble, la résolution du conflit conjugal fait l’objet à la fin du film d’une ellipse temporelle, laissant le spectateur perplexe. Comment, dans ces conditions, parvenir à ressentir une quelconque émotion face aux faits qui nous sont racontés ?
Quant à l’actrice interprétant Michale, Asi Levi, son jeu est brut, sans nuances. Sa manière d’envisager la souffrance du personnage paraît erronée et réductrice. Michale pense se donner une contenance en fumant ou en relevant ses cheveux, mais cela ne fait pas oublier qu’au lieu de se heurter aux événements pour tenter de les résoudre, elle n’affronte aucune situation : elle refuse d’abord de se confier à son amie, tente d’abréger le repas familial au restaurant, refuse de dire à son mari pourquoi elle s’en va, et met un terme à la discussion qui l’oppose à un homme lui demandant de se couvrir la tête. Si bien qu’à la fin c’est le spectateur lui-même qui se sent délaissé et frustré devant ces fuites à répétition.
À l’image de son héroïne, Nadjari ne se confronte pas aux situations qu’il a imaginées, il les laisse se dérouler en récoltant rarement un heureux résultat. L’explication doit être à chercher du côté de cette vision qui se veut documentariste sans l’être vraiment, et surtout du caractère improvisé des dialogues, qui indéniablement se ressent, et dessert le film plus qu’il ne lui apporte une touche d’authenticité. La mise en scène souffre quant à elle d’un cruel manque d’inspiration. Le premier plan du film nous montre l’héroïne en plan rapproché, avec un arrière-plan flou. Le film entier suivra cette tendance : rester focalisé sur l’héroïne, sans prendre de recul, et sans prendre la peine de développer les événements qu’elle vit et le contexte de ses actions. La question de la religion, par exemple, apparaît plus comme une toile de fond qu’un véritable thème du film. Des pistes sont donc lancées, mais aucune réponse n’est donnée. De la même manière, en voulant capter et transmettre le ressenti de ses personnages, Nadjari reste trop souvent collé aux visages, dans un tressautement ininterrompu qui passe d’abord pour un effet de style, mais finit par agacer. Avanim est donc un film qui reste bien en deçà de ses possibilités, et de la beauté que la lutte d’une femme moderne à Tel-Aviv aurait pu dégager.