Baby Driver s’ouvre sur une scène de braquage et de course-poursuite qui augure un double programme : 1) un film d’action racé, mettant en scène « Baby », un petit génie silencieux capable de véritables prouesses avec un volant entre les mains 2) un film-playlist (le dit conducteur ne quittant quasiment jamais son baladeur) où les musiques se calquent parfaitement sur le rythme des scènes qui défilent. Horizon simple, sur le papier certes un peu vain, mais dont il faut reconnaître le potentiel qui transparaît dans l’ouverture du film : par le truchement d’une scène d’action, Edgar Wright brosse le portrait d’un technicien dont le savoir-faire repose sur une symbiose entre son regard, son instrument (la voiture), un espace (l’environnement urbain dans lequel le film s’inscrit) et la musique qu’il écoute. Si Baby Driver court derrière une virtuosité clinquante qui assume pleinement sa recherche du cool (de l’enchaînement des morceaux aux figures de cartoon que sont les gangsters que côtoie Baby), le film creuse en filigrane cette piste du petit virtuose, autant dans l’agilité qui caractérise le personnage, lui qui court ou marche dans la rue en enchaînant les acrobaties, que dans sa manie d’enregistrer les conversations autour de lui pour les remixer en musique.
Un lest psychologique
C’est au fond ailleurs que le film, qui dilue scène après scène ses promesses, affiche pleinement ses limites : plutôt que de s’en tenir à ce programme postmoderne, où l’action serait avant tout le terreau d’une fétichisation propre aux séries B de « driver » (inserts sur les rétroviseurs, sur les serrures, sur les ceintures, sur l’autoradio, etc.), Wright rajoute à son personnage un passé traumatique, un dégoût de la violence, un père de substitution, bref, un saupoudrage psychologique auquel il ne croit pas vraiment mais dont pourtant il s’embarrasse. Cet attirail, loin de donner une profondeur qui manquerait au film, témoigne plutôt d’un manque de confiance du cinéaste à embrasser la seule voie de l’action mâtinée d’humour et à s’en tenir à ce qui fait justement l’intérêt de la première scène (la seule tant soit peu convaincante) : filmer un virage, un créneau, un changement d’itinéraire, une accélération, une décélération d’un personnage qui regarde la route comme un espace truffé d’obstacles qu’il doit dompter pour réussir sa mission. D’où l’impression de voir un faux film léger, qui entrelace de pures visions cosmétiques à des enjeux narratifs convenus justifiant – et dans le même temps lestant – sa gourmandise. Résultat : à trop craindre de paraître gratuit, Baby Driver échoue à s’imposer comme le film d’action divertissant et habile qu’il aurait pu être.