Adapté de son court métrage oscarisé en 2012, le premier long métrage de Shawn Christensen joue la carte du « film indépendant new-yorkais ». Dans un drame à la première personne saupoudré d’indices du genre mafieux, on suit Richie, un jeune suicidaire qui va devoir s’occuper de sa nièce le temps d’une nuit. Mais pour obtenir son label « indépendant », pour faire auteur, Christensen enferme ses déambulations urbaines dans une mise en scène ampoulée et un scénario farfelu et omniprésent.
À l’écriture, à la réalisation, au jeu (c’est lui qui incarne Richie), Christensen est partout, et surtout derrière chaque mouvement de caméra inutile. Il y a beaucoup de fioritures dans Before I Disappear, beaucoup d’éléments de mise en scène qui nous signalent la présence à outrance d’un réalisateur désireux de nous montrer son « style » plutôt que les émotions de ses personnages. Or si le film nous prouve qu’il sait faire de longs travellings poseurs et des plans au ralenti, son sens du rythme narratif est beaucoup moins concluant. Le problème, c’est qu’il comprend le rythme comme l’intervention de rebondissements à la chaine. Forcément on se lasse, surtout quand on constate leur absurdité : la mère de Sophia est incarcérée parce qu’elle est la maîtresse d’un homme marié… ; la femme de cet homme rôde autour de son appartement donc la mère demande à Richie d’en éloigner Sophia (comme si la femme allait se venger sur une petite fille…) ; Richie s’est coupé les veines mais il parvient à tenir la nuit et même (après une rechute qu’un simple pansement suffira à dépasser) à battre le père de Sophia… etc.
Billevesées
Le réalisateur récupère sans ambages les références scorsesiennes. Celle du anti-héros, du type un peu paumé à la Travis Bickle (Taxi Driver) errant au milieu d’un New York violent et répugnant. Richie découvre par exemple à l’ouverture du film une jeune femme qui vient de faire une overdose d’héroïne dans les toilettes d’une boîte. Également la référence mafieuse : on se retrouve dans des arrières salles de boîtes de nuit au milieu de repas pris entre caïds sous une lumière rouge, ou dans le grand bureau aux canapés de cuir d’un bowling où l’on prend de la coke et boit du whisky (aussi surprenant soit-il).
Mais tout ce décor en carton-pâte remâché est invraisemblable. Il sert surtout, comme beaucoup d’autres fantasmagories du film, à nous distraire du chagrin d’amour de Richie devenu, à force de désintérêt du réalisateur lui-même, insipide (il n’est pas d’ailleurs le centre du film, puisqu’il s’agit de la relation avec sa nièce ; à moins que ce soit l’histoire d’un frère et d’une sœur ; ou peut-être celle d’un homme qui arrête de se droguer… on ne sait pas très bien). Le décorum est, à l’instar de ce moment de comédie musicale dans le bowling ou de la séquence de fête au ralenti qui accompagne la sortie de Richie de son appartement après son suicide avorté, une tentative d’enrichir le film par des digressions décalées. Cela aurait pu être une bonne idée, mais les images sont ici trop attendues et en même temps trop imprécises, hasardeuses ; purement visuelles, elles sont clipesques – le film est d’ailleurs saturé de chansons qui s’enchaînent sans répit. Et puis, leurs apparitions sont trop grossières, trop visibles ; elles ne peuvent tirer le film nulle part puisqu’elles nous en sortent immédiatement. Ces ersatz de genres que le réalisateur ne maîtrise pas s’imbriquent mal les uns aux autres et livrent un corps recomposé avec les mêmes grosses coutures que celles du monstre de Frankenstein.