On se souvient généralement de Jean-Paul Rappeneau pour son cinéma nomade. De Cyrano de Bergerac à Bon voyage en passant par Le Hussard sur le toit, sa courte filmographie (huit films en cinquante ans) est surtout traversée par des personnages sillonnant des campagnes françaises ravagées par la guerre, récits d’aventures propices à un cinéma populaire de qualité. Mais on trouve aussi chez Rappeneau des films plus sédentaires. Dans La Vie de château (1965), son premier long métrage, tout s’organisait ainsi autour d’une solide bâtisse normande dont les murs épais assuraient la discrétion des résistants obligés de loger l’ennemi. Dans Le Sauvage (1975) également, on finissait par élire domicile sur une île paradisiaque où Yves Montand accordait plus d’attention à l’entretien de sa luxueuse bicoque en bois qu’à Catherine Deneuve. Belles familles s’inscrit à la suite de ces films où la cohabitation est rarement une partie de plaisir. Une grande maison bourgeoise de province y attire une ribambelle de badauds attachés à sa succession, dont Jérôme (Mathieu Amalric), qui se confronte au fantôme de son père et à sa deuxième famille.
Archaïque
Difficile pourtant de sentir dans ces rencontres autre chose que la poussière des cartons entassés çà et là dans la maison désertée. Rappeneau peine à habiter cet espace ; il le remplit d’images éculées, comme ces souvenirs de repas glacials qui apparaissent à Jérôme au détour de la salle-à-manger et qui nous sont signifiés par des couleurs maronnasses. Ces « images mentales » sont assez représentatives des travers dans lesquels tombe Rappeneau en voulant se rapprocher d’un style plus subjectif qui n’est pas dans ses habitudes. Elles témoignent d’un repli sur soi qui désamorce assez rapidement l’intérêt pour les découvertes de Jérôme. Au contraire de l’effet recherché, on se sent moins invités dans cette maison, que tolérés, tenus à l’écart d’une intimité qui ne nous concerne pas. Sur ces bases un peu faussées, il sera compliqué pour Rappeneau de détacher la rencontre amoureuse avec Louise (Marine Vacth) d’un psychologisme attendu et d’en faire l’impulsion passionnelle dont son film avait besoin, l’énergie de mise en scène qui faisait quand même en grande partie sa marque de fabrique.
Autour de cette maison, pour nous distraire un peu semble-t-il de l’ennui qui y règne, Rappeneau agite tout un petit théâtre. Gilles Lellouche, Karine Viard, André Dussollier et Nicole Garcia viennent soutenir ce petit drame familial aux accents de vaudeville, et leur engagement permet au film de ne pas sombrer complètement. Mais cet humour un peu désuet est assez assommant il faut dire, et il a du mal à faire passer ces longues séquences on ne peut plus rabattues dans les arcanes de la juridiction et de l’administration française. On s’étonne encore que Rappeneau ait choisi un scénario aussi usé à tous points de vue et qu’il en soit remis à un téléfilm peu ragoûtant.