Le premier essai de Bob l’Éponge au cinéma avait déjà déçu : le créateur de la série, Stephen Hillenburg lui-même, avait échoué à étendre son dessin animé au long-métrage. Quand les épisodes du show original, d’une vingtaine de minutes chacun, enchaînent à un rythme très soutenu les calembours et mimiques désarmantes, la durée du premier long-métrage, et le scénario associé, neutralisaient tout le potentiel comique de l’univers.
Pour ce second long-métrage, les leçons ont été retenues, et Un héros hors de l’eau limite l’action au prétexte essentiel de la série animée : Plankton, l’éternel ennemi de Bob, cherche à mettre la main sur la recette du pâté de crabe. Cette fois, cependant, la disparition soudaine de la recette accuse les deux rivaux, les forçant malgré eux à s’associer. Cette situation, relativement inédite, constitue l’intérêt principal du film : l’optimisme béat de Bob contraste avec l’individualisme machiavélique de Plankton, tandis que le premier persiste à vouloir « faire équipe ». Privé des pâtés de crabe, la ville de Bikini Bottom et tous ses habitants sombrent peu à peu dans la folie, faisant disparaître jusqu’aux habituels compagnons de l’éponge, l’étoile de mer Patrick, l’écureuil Sandy ou l’animal de compagnie Gary.
L’humour, comme la nage, ne va pas sans rythme
Un héros sort de l’eau cherche ensuite à retrouver l’esprit de la série dans les péripéties du duo, lancé à la recherche de la recette et d’une rédemption. L’objet principal du film, à ce titre, reste le même que celui du dessin animé : aligner les images improbables (Plankton, en visite dans le cerveau de Bob, évolue dans un monde de guimauve, un dauphin maître de l’univers sauve les héros…) et les déformations façon Tom & Jerry. Et, à la limite, si Un héros hors de l’eau parvenait à faire progresser son récit à coup de saillies, il serait sauf. Mais, tout occupé à tenir le rythme d’un épisode de la série, il noie sa progression dans les bas-fonds d’un humour sans répit, où les blagues s’entrechoquent sans écho. Dénué d’installation, et de nécessaires respirations, le comique du film tombe toujours à plat, y compris auprès des plus jeunes. Dommage, car ce caractère résolu et dévoué aux vannes aurait pu distinguer ce Bob l’Éponge de l’habituel film d’animation destiné aux enfants : ni la parodie, avec la citation de références devenue habituelle depuis Shrek, ni la morale ou l’apprentissage ne sont vraiment recherchés par le film.
Pour desservir le film, il y a aussi cet impressionnant gâchis du passage de l’animation 2D à la modélisation 3D : contrairement à ce que peuvent suggérer affiche et matériel promotionnel, l’essentiel d’Un héros hors de l’eau est réalisé en 2D, ce qui n’est pas problématique en soi. Cependant, lorsque le film bascule dans un monde en relief, aucune différence n’est perceptible. Certes, ces personnages épaissis évoluent au milieu d’acteurs réels, mais l’humour, encore une fois, reste absolument détaché de cet environnement, continuant son cheminement indépendant, comme si les personnages étaient encore en 2D. L’élévation des personnages, brusquement réunis par un scénario opportuniste, au rang de super-héros ne générera de même qu’un faible intérêt comique. Certes, le spectateur échappe à un énième film (ou parodie) de films de super-héros, mais c’est le recours même à ces images et personnages qui laisse dubitatif. C’est ce qui reste après cet objet étrange, qui passe à toute allure à côté de ses objectifs : un point d’interrogation plutôt que l’exclamation hilare.