Une passion destructrice, un couple dans la vie (Michaël Cohen et Emmanuelle Béart) qui devient à l’écran un couple sans limites, une esthétique dont la pesanteur se dispute à celle du scénario, des dialogues qu’on n’ose répéter… La liste est longue des choix les plus énervants dans ce premier film de l’acteur Michaël Cohen, adaptation de son homonyme premier roman.
Ça commence par la fin, la dernière nuit, sombre, où chacun est comme déboussolé devant l’autre, comme dévasté. On comprend bien que la tempête a déjà eu lieu entre Jean et Gabrielle, et que leur histoire va venir à nous à coup de flash-backs, en alternance de cette dernière soirée.
Deux personnages. Lui, air ténébreux et constamment hagard, dans ses pensées, barbe de dix jours bien taillée. Activité : passe de terrasse de café en terrasse de café, carnet de note à la main. Prépare un guide des cafés de Paris les plus ensoleillés. Elle : jouée par Emmanuelle Béart qui se veut décalée. Activité : travaille dans un bureau, aide des entreprises à se monter, travail concrètement flou. Signe particulier : passe un temps quotidien non négligeable à manger des citrons (uniquement leur peau) en les croquant goulument comme on le fait dans les publicités. Boit de la bière, systématiquement.
Qu’on nous excuse le schématisme de la description, mais donner plus de profondeur aurait été infidèle au film. Les personnages ne sont pas plus, et les quelques autres que l’on croise (chauffeur de taxi, serveur, patron de café…), ne sont qu’à peine indicateurs d’un monde qui tourne à côté du couple. Si le film fonctionnait ce pourrait relever d’une logique, celle de l’amour fou, de la passion qui redessine le monde à l’intérieur du périmètre restreint des amants. Mais le film ne fonctionne pas, trop (mal) écrit, trop fabriqué, surtout trop schématique. C’est-à-dire que chaque élément autour des scènes de sexe (longues, pénibles) est présent pour contribuer à l’appréhension univoque de l’histoire de cette passion. Les personnages déjà évoqués, les mouvements de caméra, la mise en scène, tout cela n’a qu’une existence de papier, n’est qu’un membre d’une chenille narrative pataude. Et les dialogues, tous plus patinés les uns que les autres, plombent définitivement ce film qui semble paradoxalement manquer de passion. Pas de souffle, pas de vie.
Il faut préciser ici qu’Emmanuel Béart et Michaël Cohen sont en couple dans la vie, que ce dernier a écrit le roman dont est tiré Ça commence par la fin, film qu’il réalise et dans lequel, donc, il joue. Projet intrigant mais raté, plus proche, dans le jeu de se mettre en scène, de l’univers de Maïwenn − toute proportion gardée puisque cette dernière parvient à en tirer de la force − que du style carnet intime, sinon par un certain grain d’image sous-exposée. Cette histoire de passion totale et destructrice laisse perplexe, on se demande quel en est finalement le but, ou la cause sinon de l’exhibitionnisme, au mieux un nombrilisme forcené pour se faire le centre d’un tel mouvement vers le public. La presse people ne suffit pas ? On trouvera dur le jugement mais à force de se couper du monde, tellement occupé à courir d’un rôle à un autre, Michaël Cohen a oublié le spectateur. Celui-ci le lui rendra bien vite.