La culpabilité, l’innocence. L’amour fraternel, l’objectivité des faits. Une erreur judiciaire ou une sentence méritée. Voilà les thèmes abordés par le réalisateur Tony Goldwyn dans Conviction. Vaste programme donc, mais, plombé par un académisme sans talent et une interprétation larmoyante bourrée de bons sentiments, le film ne bouleverse ni les glandes lacrymales ni le système judiciaire américain, pourtant frelaté. Pas franchement convaincant.
Betty Ann Waters et son frère aîné, Kenny, ont toujours été très proches, sans doute pour survivre à l’absence de leur père et à l’indifférence de leur mère. Louvoyant aux frontières de la délinquance, Kenny est devenu, pour les policiers de la ville, l’homme à arrêter lorsqu’un délit est perpétré. Quand une vieille femme est sauvagement assassinée, tous les regards se tournent vers lui. Incarcéré, puis condamné sur les témoignages de ses anciennes petites amies à la prison à vie, Kenny entame sa descente aux enfers. Mais sa sœur n’accepte pas ce jugement qu’elle considère comme inique et elle va tout mettre en œuvre pour l’innocenter. Jusqu’à s’inscrire en droit et devenir avocate pour le défendre au mieux.
« Tiré de faits réels » nous précisent les affiches du film. Comme si la véracité du récit lui donnait le droit d’être mal filmé, sans possibilité pour le public de critiquer (si vous critiquez le film, vous critiquez la démarche des personnes, démarche évidemment hautement morale, qui devient moralisatrice dès lors qu’on passe au grand écran). Car, Conviction relate le combat juste d’une femme pour sauver son frère d’une injustice. Un documentaire aurait sans doute permis de cerner cet admirable combat et de mieux mettre à jour les enjeux d’une justice à deux vitesses qui condamne vite et mal les coupables idéaux. Mais le passage à la fiction, outre qu’il annihile la réflexion nécessaire à ce vaste sujet, pose d’emblée la compassion comme nœud narratif. Pauvre homme injustement emprisonné ! Pauvre femme qui voit sa vie familiale et personnelle voler en éclat face à l’incommensurable tâche qui l’attend ! Et pauvre spectateur qui, près de deux heures durant, assiste à un déferlement de clichés (les avocats commis d’office peu investis, les juges incapables de reconnaître leurs erreurs, les policiers qui enquêtent à charge pour la gloire égoïste de clore une affaire).
Évidemment, les événements se déroulent dans l’Amérique profonde. Bien sûr, Betty Ann peine à conjuguer son travail (serveuse de bar) et ses études. Cela va sans dire, sa famille ne la croit pas. Et pour finir, après dix-huit ans de prison, Kenny n’a plus de vie quand il retrouve la liberté (sa fille ne le connait qu’à travers les manchettes de journaux et les mensonges de sa mère). Apitoiement maximal pour une cinématographie proche du zéro. L’enchainement des événements est parfaitement attendu par le spectateur. Le jeu des acteurs Hilary Swank et Sam Rockwell (pourtant de bons acteurs au demeurant) ne décolle jamais du misérabilisme. Seule Juliette Lewis, en ex-petite amie désœuvrée, parvient à donner un peu de chair à son personnage, lui évitant la caractérisation systématique échue aux autres.
Quand la fiction se frotte à la réalité (surtout si celle-ci est tragique), elle n’a d’autre choix que de transcender son sujet, de tenter d’atteindre à l’universalisme que celui-ci sous-tend. À vouloir se borner à narrer l’histoire telle qu’elle est réellement advenue, le cinéma oublie sa dimension métaphorique, sa propension à raconter plus que l’expérience humaine individuelle et sa capacité de conviction. Ironique pour un film qui en avait la prétention.