À la faveur de vacances d’été dans une sympathique villa de la Côte d’Azur, une petite famille se laisse aller à un tourbillon de désirs et de quiproquos, et s’adonne aux joies du questionnement ou de la pratique d’une sexualité libérée de toute culpabilité. Cette fantaisie décomplexée n’atteint peut-être pas l’épaisseur de Demy, ni la perfection pétillante de Lubitsch, mais son mélange de modestie et d’audace s’avère absolument payant.
Le générique, léger, amusant, graphiquement réussi (on le doit aux créateurs du générique d’Arrête-moi si tu peux), accompagné d’une chanson interprétée par Valeria Bruni-Tedeschi, donne le ton. Le film épousera l’atmosphère décontractée des vacances à la plage, ce mélange grisant d’énergie et de nonchalance favorisé par le soleil, les cigales, l’air iodé, le mistral dans les feuilles de platanes… Cet environnement qui galvanise tout en poussant au laisser-aller est le décor idéal pour ce vaudeville où l’on apprend à parler du sexe comme de la pluie, du beau temps et des fruits de mer – métaphore tellement lourdement assumée qu’elle participe de la franche jubilation grivoise du film, qui ne verse jamais dans la crudité ou la vulgarité.
Ce qui caractérise Crustacés et coquillages, c’est plutôt la liberté de ton surgissant au cœur d’un cadre défini. Le mot d’ordre de ce film, dont le principe ordonnateur est justement l’ordre désorganisé, pourrait être: « pas de culpabilité ! » Véritable manifeste utopique partant des conventions du vaudeville pour en faire surgir surprises et joyeusetés, le film revendique par tous ses pores l’idée, énoncée par l’impeccable Gilbert Melki, que tout n’a pas besoin d’être carré, en ordre, bien rangé… D’où des numéros chantés et dansés un peu brouillons, des chorégraphies fofolles et maladroites, mais dégageant toujours une indéfectible bonne humeur. Avec une DV haute définition, Ducastel et Martineau captent une belle lumière donnant au film l’aspect délicieusement frais, coloré et sensuel dont il avait besoin pour convaincre.
De ce méli-mélo très gai – et pas mal gay aussi –, il ne faut pas croire qu’il est tout rose, ou exempt de lucidité. Traversé de questionnements et d’hésitations (« La vie est compliquée… La vie n’est pas compliquée !… Non, c’est pas vrai… ») délivrés sur un drôle de ton malicieux, ni complètement naturel ni vraiment artificiel, qui rappelle le récent Vénus et Fleur, il ne véhicule pas une vision benoîte du monde. Il est seulement empreint d’une indécrottable sérénité jusque dans les moments d’appréhension, de tristesse ou d’énervement. Et à partir de la conscience de l’état des choses, exalte un mode de résistance volontariste, idéaliste, une petite révolution pacifique à instaurer dans les rapports humains. Servi notamment par une Valeria Bruni-Tedeschi royalement drôle et un Jean-Marc Barr surprenant, Crustacés et coquillages suscite une euphorie salutaire.