Dire qu’on attendait peu de chose de Disco est un doux euphémisme en vue de la calamiteuse filmographie de Fabien Onteniente (Camping, Jet Set…). Pourtant le film parvient à surprendre en donnant encore moins que ce à quoi nous nous attendions. Il y a quelque chose d’à la fois effarant et effrayant dans Disco. Effarant que l’on puisse faire un film sans y manifester à ce point le moindre désir, sans qu’une seule fois, on ne ressente le besoin du réalisateur de filmer son histoire. Et effrayant qu’un tel film puisse aujourd’hui trouver si aisément (et en quantité !) des financements pour se faire.
Si on devait comparer, on pourrait dire que Disco ne vaut pas tellement plus qu’un film de Philippe Clair des années 1970. Il vaut même moins car chez Clair, le budget était inexistant ; il fallait bricoler avec les moyens du bord (c’est-à-dire le manque absolu de talent) mais du coup il y avait de la motivation, une envie irrépressible de faire un film, même mauvais. C’était nul mais sincère. Ici, tout n’est qu’une longue fuite en avant qui laisse sur le carreau spectateurs et acteurs, comme si, en cours de route, Onteniente prenait soudain conscience que, tout compte fait, son idée de raviver le disco vingt-cinq ans après sa mort, ce n’était pas si drôle que ça (sans blague ?). L’histoire, on la devine plus qu’on nous la raconte, et si on y parvient, c’est uniquement parce qu’on l’a déjà vu, ailleurs, en mieux et en anglais. Un loser éternel (Franck Dubosc) se lance dans un pari impossible : remonter son groupe de danseurs disco afin de gagner un concours qui lui permettrait d’emmener son fils en vacances (bonjour le prétexte). À la non-surprise générale, il finira par gagner plus ou moins de justesse et sans la moindre prouesse. Rien de tout cela ne semble intéresser vraiment Onteniente. Ni les danses disco, ni le concours, ni le fils. Son seul souci tient dans l’application de sa formule miracle. Comme si une idée-concept (surfer sur le revival actuel du disco), une vedette en tête d’affiche (Dubosc, donc) et quelques guest stars bien senties (Béart, Depardieu, Annie Cordy, etc.) étaient des gages suffisants pour garantir le succès. Peut-être. Peut-être a-t-il raison de penser ainsi, peut-être que son calcul fera une fois de plus sa fortune. Mais qu’importe ! Le succès, le box-office et les millions d’euros rapportés ne nous empêcheront pas de percevoir que tout cela cache (assez mal) un certain mépris.
Car pour se sentir si peu concerné par ce qu’on filme, pour ne pas occuper à ce point le champ du cadre et pour fuir avec tant d’insistance le moindre petit effet cinématographique, il faut bien, un minimum, mépriser le cinéma. Pourquoi, alors, faire un film ? Pourquoi se lancer dans une telle carrière quand l’idée même de filmer et mettre en scène rebute ? Dans son cas, ce n’est certainement pas l’envie de faire état d’une vision du monde qui le motive. Onteniente aura beau se targuer durant la promo du film de parler des « petites gens » (il n’y a rien de plus condescendant), de vouloir opposer beaufs au grand cœur à bourgeois mesquins, ses personnages sont trop schématiques pour convaincre vraiment et sa vision trop caricaturale pour qu’on puisse s’y accrocher. Il nous présente la France telle qu’elle se fantasme dans le discours sarkoziste et l’esthétique TF1, à base de croyance dans le mérite, de bons sentiments mièvres et de haine de la sophistication, mais pas telle qu’elle est. C’était le problème de Camping où la plouquerie n’était qu’énoncée paresseusement dans les dialogues, les détails des costumes ou le contexte, mais jamais vraiment incarnée.
Pourtant ce petit monde de références ringardes, cette beauferie sympathique et assumée mais complètement à coté de la plaque, Onteniente n’avait qu’à se baisser pour la cueillir : c’est dans le regard de Franck Dubosc qu’elle se trouve. Faussement beau mais vraiment moche, pas si vaniteux mais franchement tarte, moins sûr de lui qu’il en a l’air mais plus dépassé qu’il ne le croit, il est, de tous les comiques actuels, celui qui draine le plus gros potentiel cinématographique. Il suffit de voir la seule scène réussie du film (celle du Buffalo Grill) où il tente de séduire Emmanuelle Béart avec son univers régressif de petit Français tartignole, pour réaliser à quel point le décalage entre les deux acteurs (et leur monde) aurait pu être opérant. C’est filmer ce décalage qui aurait été intéressant, pas passer paresseusement d’une rive à l’autre.
Au bout du compte, le seul véritable gagnant de cette affaire, c’est Depardieu. Tellement mauvais qu’il en deviendrait génial à force de s’en foutre, à la façon d’un Brando en fin de carrière, on se dit, à le voir se pavaner avec une moumoute afro et ses vestes léopards, qu’il y en a au moins un qui s’amuse dans cette histoire.