Sergi Lopez et Vanessa Paradis à la dérive, un loup mort conservé dans une glacière, entre gratte-ciel et désert, high-tech et tiers monde. Le second film de Delphine Kreuter fait le pari risqué de l’absurde en traversant le miroir.
Quoi !? Une réalisatrice amoureuse de Dubaï quand les symboles capitalistes les plus éprouvés tremblent aux quatre coins du monde ? Rassurons-nous, la fascination ne va pas au culte de l’argent, seulement à ce qu’il produit de matériellement incroyable. Car Dubaï, avec ses immenses tours sorties du désert, ses troupeaux de chèvres à leurs pieds, ses bolides sur d’impeccables autoroutes et les vents de sable qui les rendent éphémères, peut bien paraître un produit de l’art brut.
De fait, le second film de la photographe et vidéaste Delphine Kreuter s’attache aux à‑côtés du monde le plus dynamique. Pas de politique, pas de religion, ainsi qu’il est dit dans le film (éviction cependant un peu légère), mais des marginaux étranges ou borderline. Et non pas leur quotidien, sa dureté, mais le songe, plus ou moins agréable, que semble devenir la réalité si l’on se place de leur point de vue.
Vincent (Sergi Lopez), homme d’affaire débordé, ne trouve plus sa femme, il part à sa recherche, s’emmêle les pinceaux entre souvenirs, oublis, réalité et imaginaire. Il rencontre notamment une jeune femme (Vanessa Paradis), venue enterrer à Dubaï son loup des steppes. Dubaï Flamingo est majoritairement à l’image de la ville mirage : exubérant, kitsch et absurde. Si Kreuter se montre plutôt mesurée dans ses cadres, qu’elle évite le piège du choc culturel à chaque plan, le film peine à dépasser le fourre-tout, jusqu’aux acteurs qui perdent le fil et deviennent parfois mécaniques.
Bel essai pourtant, que de coller à un protagoniste en perdition, comme le faisait sur un bien autre mode le Memento de Christopher Nolan, et courageuse tentative de ne pas trop vite fournir les explications qui remettront l’histoire à l’endroit. Mais la caméra colle tant à Sergi Lopez, le suit d’anecdotes en rencontres sans laisser de réelle place aux autres personnages, que le film s’épuise en scénettes inégales. Reste la touchante Florence Thomassin, et à la fin une stabilité aérienne qui pointe, alors même que l’ambiguïté entre réel et imaginaire n’est plus.