Depuis ses débuts de réalisateur, Marcos Carnevale rêve de mettre en scène « sa » fontaine du Trévise, tant il a aimé La Dolce Vita. Il choisit pour cela l’histoire d’une vieille dame qui rêve de tenir dans la réalité le rôle d’Anita Ekberg dans le film de Fellini. De bonnes intentions, hélas desservies par une mise en scène inexistante, qui rend l’œuvre anecdotique.
Elsa, 82 ans, est une vieille dame excentrique et une grande affabulatrice. Fred, 77 ans, sombre et reclus, s’installe dans l’appartement en vis-à-vis de chez elle à la mort de sa femme. Ils finiront par tomber amoureux l’un de l’autre, et Fred mettra toute sa fortune en jeu pour réaliser le rêve d’Elsa : se baigner dans la fontaine du Trévise, comme Anita Ekberg dans La Dolce Vita.
Marcos Carnevale, réalisateur de plus de 300 films publicitaires et d’un film de cinéma, rêvait de tourner « sa » Dolce Vita depuis ses débuts de réalisateur. Il choisit donc de mettre en scène une vieille dame qui rêve de vivre la scène que lui rêve de filmer : le parallèle est amusant, le potentiel de cette mise en abyme cinéphilique certain, mais… Mais on peine à croire à la platitude de la mise en scène d’Elsa et Fred. La plupart des scènes de dialogues, évidemment fort nombreuses, entre les deux personnages, alternent entre de mornes champs/contrechamps/plans larges sur les deux, répétés ad nauseam. À la différence de ses personnages, Carnevale semble n’avoir pas voulu se laisser aller à la moindre folie, à la moindre excentricité : on a finalement l’impression que la fragilité de ses interprètes âgés lui a inspiré une mise en scène cauteleuse, d’où suinte un ennui réel qui finit par pénétrer l’auditoire. C’est d’autant plus dommage que ce manque d’inspiration parvient à rendre le moment de bravoure du film, « la » scène d’Anita Ekberg, plat, creux, et sans émotion, un comble pour un réalisateur qui par la voix de son actrice célèbre, ô combien, l’extraordinaire sensualité de la séquence mythique de La Dolce Vita.
Il reste cependant une consolation : la possibilité de découvrir sur un écran un très grand acteur – Manuel Alexandre, l’interprète de Fred. Avec plus de 300 films à son actif, il tourne depuis les années 1950, et c’est une figure reconnue du cinéma espagnol. Avec un charisme doux et tranquille, il rend passionnante l’interprétation de son personnage, et éclipse le reste du casting. Hélas, ne voir Elsa & Fred que pour la qualité de cette interprétation et pour les bonnes intentions de son réalisateur ne se justifie pas, tant l’ensemble du métrage évoque plus un honnête téléfilm que l’œuvre d’un cinéphile passionné friand de référence. Carnevale a pu réaliser son rêve, et rendre son hommage à Federico Fellini. On est heureux pour lui, mais le seul réel mérite de son film restera de nous inspirer, encore et toujours, de revoir La Dolce Vita.