Toute droit sortie de Sex and the City, Sarah Jessica Parker arbore tailleur noir, chaussures à talons et petit air pincé pour participer au premier Noël dans la famille de son fiancé, Everett Stone. La bulle est chaleureuse, drôle, sensible, bref, totalement opposée à la personnalité et au mode de vie de Meredith. Le thème de la famille cocon un peu fermée sur elle-même est plutôt bien traité, mais on regrette parfois que l’émotion soit là pour pallier les manques de la mise en scène et du scénario.
Elle fait ses courses au téléphone, elle conduit au téléphone, elle assure de son amour au téléphone. Meredith ne communique donc pas avec l’extérieur. Elle vit dans un monde professionnel qui exclut l’intime, qui renvoie les serments que son (pâle) amoureux attend aux calendes grecques. Sa famille à lui ne vit que par l’intime : elle s’est construite une maison, toute aussi protégée d’autrui que Meredith, enfermée entre les sapins qui ornent un jardin sympathique au demeurant, chaleureuse en dedans malgré le tapis de neige de saison. La réussite de ce film est justement le parallèle de deux enfermements opposés qui se rapprochent en tentant de détruire les barrières culturelles qui les séparent. Dans son apparente froideur coincée, la nouvelle fiancée du fils prodigue attend que quelque chose lui arrive vraiment, qu’elle-même puisse tordre un brin le chignon qui fige ses traits. La famille Stone, quant à elle, est repliée dans sa tendresse, sa confiance : la gentillesse n’existe pourtant que pour le groupe.
Bien qu’Esprit de famille ait tout de la comédie sentimentale de fin d’année, le thème de la famille était au départ abordé de façon originale. Il y a, certes, l’image de la tribu et de son cortège, un Noir, un homosexuel, un sourd-muet, une adolescente mal dans sa peau qui fait payer à l’étrangère son propre mal de vivre, une mère malade en sursis… on en passe et des meilleures. Mais sous ce vernis de famille formidable se cachent les choses qu’on ne dit pas, qu’on garde pour soi ou dont on a peur, se cache un équilibre précaire que la perfection ne réussit pas toujours à masquer. Le film a donc le mérite de s’être attaqué aux défauts d’un groupe a priori enviable.
Simples, mais plutôt rythmées, les premières séquences ne sont ainsi pas désagréables à regarder : on parle vite, on oublie vite aussi ce que chacun dit. La caméra de Thomas Bezucha est alerte, s’entiche même de quelques travellings gracieux, et assume parfaitement son statut de comédie légère et bien ficelée. La distribution, ni révolutionnaire ni honteuse, ne constitue pas non plus un poids : certes, les personnages caricaturaux ne manquent pas de frapper le spectateur ; mais si Sarah Jessica Parker remplit sans originalité son rôle, elle le sert malgré tout. On regrette parfois l’absence d’une Emma Thompson qui aurait sans doute donné plus de corps et de saveur au personnage de la mère que joue Diane Keaton. Les fils de la famille passent aussi agréablement, même s’ils restent pour la plupart assez transparents. On compte cependant une apparition : celle de Claire Danes, dont le personnage de Julie, la sœur de Meredith, cousu de fil blanc, n’empêche pas à l’actrice de nous rendre heureux de la revoir. Elle est belle, elle est souriante, et tient le rôle le plus important du film : celui du lien entre les deux clans opposés.
Le seul problème est la progressive chute du film dans le sentimentalisme : au lieu de poursuivre dans l’analyse de la famille, le réalisateur a choisi de montrer les personnages se révélant à eux-mêmes en un coup de baguette magique, tombant amoureux pour la plupart, pleurant à chaudes larmes devant Judy Garland (ah ! les soirées de Noël devant Meet Me in Saint-Louis !). Ils finiront tous ensemble mais en ayant changé de mentalité, en ayant accepté la différence, la faiblesse. Le vernis, fond scénaristique du début, devient la forme de la fin du film. À l’invitation à la danse des premiers plans succèdent les gros plans insistants, les phrases dégoulinantes de sucreries et un dénouement heureux, convenable, convenu. Les beaux sentiments se sont faits bons. On le regrette, car, en période de fêtes, il ne faut pas bouder ces plaisirs de midinette. Mais celui-là ne tient pas tout à fait ses promesses.