Distribué par EuropaCorp, la boîte-à-Besson, le nouveau film du réalisateur de Dikkenek reprend les bonnes vieilles recettes à faire vendre des films de monsieur Grand Bleu : flingues, voitures, rythme effréné, musique boum-tchak-boum-tchak dans l’air du temps, filles, et toujours un gentil petit relent TF1 dans le traitement des problématiques de société. Pas de risques pris donc, pour ce sous-Fast and Furious totalement formaté pour plaire et qui ne s’embarrasse pas de scrupules vains comme construire un scénario cohérent ou mettre son film en scène.
Que sont, me direz-vous, les « Go Fast » ? Fidèle au crédo critikatien, répondons à cette entêtante question qui taraude nos lecteurs : ce sont, les plus anglophones l’auront compris, des gens qui vont vite. Précisons : ce sont des malandrins, des sauvageons, des malfaiteurs, que dis-je, des racailles – puisque c’est la terminologie d’usage – qui vont vite, pour aller livrer de la drogue. Alors, lorsque le flic Marek (Roschdy Zem) perd son coéquipier dans une opération de planque à Clichy-sous-Bois, sous les balles de dealers utilisant les services des Go Fast, il décide d’infiltrer la bande. Et pour ce faire, il va lui falloir devenir Go Fast…
Et là nos lecteurs se feront certainement la remarque : « des voitures qui vont très vite, certes, mais à quoi cela sert-il, alors que nos autoroutes sont largement bordées de radars, et que nos routes de villes de banlieues ne donnent que fort peu l’occasion de pousser des pointes de vitesse ?» Ben… À pas grand-chose, c’est vrai. Et d’ailleurs, les scénaristes (il s’y sont mis à quatre) semblent s’en foutre aussi, puisque le film, malgré son titre, malgré son argument, n’utilise jamais la vitesse comme entité cinématographique. On sait, évidemment, que Marek est un tueur au volant. On sait aussi qu’il a suivi un entraînement du GIGN qui ne plaisante pas. On sait que, pourvu qu’ils disposent d’un oreiller à portée de main, les trafiquants sont des assassins sans scrupules… Mais jamais la vitesse n’est réellement utilisée dans le film – témoin en soit la scène finale, où les barbouzes confrontent les trafiquants… dans des voitures à l’arrêt…
Par contre, tout le reste répond au cahier des charges : des flics durs de durs, des trafiquants friqués et plus brutaux encore, des flingues brandis à la moindre occasion, des mises en scènes super pro de la part des flics, une musique omniprésente à grands coups de boîte à rythme, des bagnoles rutilantes – si peu utilisées, etc., etc., etc… N’en jetez plus, on a bien compris : le film est testostéroné comme il faut, avec tous les symboles de la virilité au premier degré. Comme l’a dit en son temps une sympathique publicité bagnolesque : « il a la voiture, il aura la femme ». Et c’est le cas : notre héros a le flingue, la bagnole, les couilles qui vont avec… Et il aura la fille, dont la présence à l’écran se limite à deux aspects : vile poule de luxe, et paire de seins en gros plan.
On se marre donc gentiment à la vision de ce Go Fast tant il se refuse à habiller ses intentions bourrines d’un quelconque prétexte narratif ou cinématographique. Go Fast se pose ainsi en mètre-étalon de la production type d’EuropaCorp, du style Taxi, Yamakasi, Wasabi, Le Transporteur ou Hitman : plein les yeux, et c’est tout. C’est certainement sans déplaisir qu’on voit s’aligner les péripéties efficaces et cousues de fil blanc, mais le manque consternant d’ambition, et la prostitution de sa caméra par Van Hoofstadt au service d’un film uniquement commercial ne peuvent que consterner les spectateurs qui cherchent autre chose qu’un film pour accompagner un seau de pop-corn. Et que le discours sur une police musclée face à des racailles tout droit sorties d’un fantasme sarkozyste soit si présent n’est pas une surprise chez EuropaCorp, mais ce n’est certainement pas fait pour rendre le film plus sympathique.