Succès surprise de cette année 2003, Good Bye Lenin ! s’offre le luxe de réunir plus de six millions de spectateurs sur son propre territoire, l’Allemagne. Si le film a tout pour séduire (ou déplaire), la nouvelle est loin d’être anodine pour un des cinémas européens dont on n’entendait plus vraiment parler depuis de trop nombreuses années.
L’histoire est tout ce qu’il y a de plus simple : 1989, une mère, convaincue de l’existence d’un idéal communiste, s’investit corps et âme pour la République Démocratique Allemande. Suite à une manifestation réprimée par les forces de l’ordre, elle perd connaissance et plonge dans un coma de plusieurs semaines. Entre temps, le mur s’est effondré, l’Allemagne est réunifiée, le capitalisme de l’Ouest a submergé Berlin-Est. Son fils dévoué à l’équilibre fragile de sa mère remue ciel et terre pour la convaincre que la RDA existe encore.
Évidemment, les gags et les situations rocambolesques se succèdent jusqu’à épuisement, et force est de reconnaître que la farce fonctionne dans la mesure où elle s’attache à restaurer la comédie dans son plus vif éclat. Même si l’omniprésence de la musique de Yann Tiersen (récupérée d’Amélie Poulain qui a enregistré plus de deux millions d’entrées là-bas) tend parfois à enfoncer le film dans une mélancolie facile et un peu trop appuyée, l’œuvre de Wolfgang Becker n’en reste pas moins un délicat témoignage, une réflexion pas totalement idiote de ce que pourrait être le social politique. Avec une certaine humilité, le réalisateur détourne l’événement avec une audacieuse ironie, allant même jusqu’à justifier la présence de réfugiés ouest-allemands venus, vraisemblablement, se protéger du capitalisme sauvage. Même s’il est aisé d’imaginer que le film s’opposera à des discours réfractaires, le film n’a pas vraiment l’ambition de faire son affaire de la politique, ni de regretter le communisme tel qu’il était appliqué au sein du bloc de l’Est. La mère n’en est pas moins présentée comme une ignorante de la tyrannie des pouvoirs politiques qu’elle célèbre. Le propos s’élève au-delà de tout ce formalisme, et pose une réflexion subtile sur une idée du paradis perdu.
Étrangement, ce film généreux a permis au cinéma allemand de renaître progressivement de ses cendres. Bien loin du temps de la décennie 1970, âge d’or d’un cinéma allemand aujourd’hui révolu (Fassbinder, Herzog, Wenders, etc.), la production nationale s’était depuis éteinte, laissant la part belle aux superproductions hollywoodiennes. Un grand succès, isolé, fit exception : Bagdad Café dont il est difficile de dire s’il est plus allemand qu’américain. Et pourtant, depuis le festival de La Rochelle cet été en passant par le 8e festival du film allemand de Paris en octobre, Good Bye Lenin ! s’est exporté et a déjà cumulé près d’un million d’entrées en France, bénéficiant d’un bouche à oreille très favorable. Aujourd’hui, les sociétés de production allemandes sont en effervescence, le film documentaire se développe et se fait enfin entendre. D’Au loin les lumières au Bois lacté en passant par Les Enfants de la colère et Cœur d’éléphant, films à venir ces prochains mois, force est de constater que le cinéma allemand est en voie de retrouver ses lettres de noblesse.