Le second long-métrage de la réalisatrice hollandaise Nanouk Leopold cherche des réponses à des interrogations aux visées métaphysiques – l’incommunicabilité, la solitude et le sens du couple, la difficulté des relations – à travers une épure de scénario et de mise en scène qui suscite souvent l’ennui plus que l’admiration.
L’affiche du film nous la montre nue, de dos. Ses cheveux sont attachés lâchement, de travers, et ses bras s’enroulent autour de sa taille fine. À peine si le violent contre-jour atténue la blondeur des mèches, la pâleur de la peau. Elle, c’est Anna, la trentaine calme et stable, un mari, Sébastien, et un jeune fils. Une vie dont l’apparente simplicité, la prétendue tranquillité va être remise en question par un événement soudain.
Car un beau jour, dans un cri étouffé, Anna découvre le corps sans vie de sa collègue, pendue dans la douche. Cette femme qui, le matin même, le soleil dans les yeux, lui racontait sereinement sa famille et ses projets. Celle dont le mari, incapable de comprendre, dira qu’elle avait une vie si simple et si tranquille. Celle qui, jusqu’à son jeune fils blond, ressemble tant à Anna. Est-il possible de demeurer à ce point inconnu des gens qui nous sont chers, aussi étranger face à nos proches ? Connaît-on vraiment les autres ? Que valent ces relations qui sont si difficiles à construire ? N’est-on pas toujours seul ? Et finalement, que sait-on de soi-même ? Autant de questions qui vont poursuivre Anna jusque dans sa calme banlieue flamande, dans son existence rangée, la mettre à nue, face voilée, comme sur l’affiche. Des interrogations qui vont, aussi, l’obliger à prendre du recul dans sa vie conjugale et familiale, puisque surgissent les problèmes de couple, jusque là tapis ; qu’éclatent les rancœurs paternelles, sororales, qu’on avait tues pendant des années.
Mais ici, point de violence, aucune révélation éclatante, pas d’acte percutant. Tout est fait, dit, compris dans le silence de longs plans fixes. Pas de musique. De rares dialogues. Il faut sentir le jeu des acteurs, lire leurs regards, être particulièrement attentif aux signes disséminés ça et là. Le montage, par exemple, qui répète volontairement les scènes pour leur donner un caractère routinier, ressassé – bien souvent jusqu’à l’ennui, malheureusement. Les lumières froides et humides du Nord, qui noient les ombres, comme celles, chaude, desséchées, de l’Égypte où travaille la jeune femme, sont toujours tamisées, servent le contre-jour, cherchent à révéler les faces cachées. Il y a cette métaphore filée de l’eau, omniprésente, l’eau qui apaise sous la douche ou dans un verre, qui offre la vie, sur les chantiers d’irrigation, mais qui, dans la mousse d’un bain, ou sur cette île de Guernesey, ne fait qu’isoler les corps dans un douloureux exil.
Dommage que ces intéressantes trouvailles de cinéma ne confinent, le plus souvent, qu’à un semi-échec qui rend aride la sobriété, ennuyeuse la tristesse, et laisse finalement les questions sans réponse. Le parti pris de la réalisatrice Nanouk Leopold, qui consiste à laisser reposer pratiquement tout son film sur le jeu des acteurs (et notamment sur Maria Kraakman, qui était également la tête d’affiche de son premier long-métrage Îles flottantes, en 2001), est un pari risqué, et perdu. Les rôles sont mal écrits, tout d’abord, et notamment les seconds rôles, à peine étoffés alors que leur importance paraît évidente, essentielle. Et puis les acteurs sont si mollement dirigés, leurs regards et attitudes si vides, si transparents malgré le manque de lumière, que l’on se prend difficilement au jeu d’un film dont le propos, c’est bien là le drame, paraissait de prime abord tout à fait passionnant et novateur.
Il y a cependant fort à parier que le cinéma flamand, à force de poser les bonnes questions et de jouer sur les atmosphères étranges auxquelles donnent naissance les lumières du Nord, trouve bientôt un vrai public, et rencontre enfin le succès. Nanouk Leopold ne le manque, cette fois-ci, que de peu.