« Y’a rien d’élégant ici ! » La sentence, crachée par Roland (Samuel Le Bihan) face à Berthier (Jean-Hugues Anglade), un scientifique venu faire des prélèvements dans le « puits du diable » (la mine où se déroule l’intrigue, au milieu du XXe siècle), sonne comme une note d’intention. Plongeant au cœur des ténèbres minières, Gueules noires s’efforce de distiller une atmosphère brute et viscérale (des corps suintants et maculés de crasse, le bruit assourdissant des piquets, etc). Cette volonté, vite pesante, s’incarne également par une fascination pour les faciès des acteurs, enfermés dans un surjeu viril et caricatural. Ces visages parlent une langue tout aussi grotesque, sorte de pot-pourri de bons mots qui tombent à plat, et de répliques plus sérieuses dont la niaiserie arrache parfois un sourire. Devant les brimades racistes subies par l’un de ses hommes, Roland aura ainsi tôt fait de rappeler que, dans le ventre de la mine, « on a tous la même couleur ».
La mise en scène est à l’avenant de cette balourdise. Bloqués dans une veine profonde de la mine qui se révèle être la prison d’une déité sanguinaire, les personnages de Gueules Noires ne disposent, pour se repérer, que de l’aide des lampes accrochées à leurs casques. Le film s’en remet alors à une gamme surannée d’effets horrifiques ; aimanté par les faces exorbitées de ses acteurs, il emploie ad nauseam la force de suggestion du hors-champ, au risque de ne figurer qu’une peur surjouée. C’est que Gueules Noires s’échine à préférer la lumière (rivée sur le front des acteurs) à l’obscurité : la menace, essentiellement maintenue dans l’ombre, est trop souvent figurée de la même manière (l’effroi qui se lit sur les visages des mineurs). Le film convainc toutefois légèrement davantage dans son dernier mouvement : il embrasse alors une dimension baroque (un temple antique baigné de lueurs rouges, des corps délabrés dans des compositions picturales) et désargentée, conférant au film un charme de série B certes bienvenu, mais qui ne suffit pas à faire oublier ses écueils.