Ambiance détendue lors de la projection de presse de Happy Tree Friends, le film. C’est pop-corn et pieds sur les sièges de rigueur. Certains sont venus avec leurs gamins, casquette vissée sur le crâne. C’est qu’on n’est pas là pour assister au nouveau chef d’œuvre du septième art, mais dans l’espoir de se bidonner pendant un peu plus d’une heure devant les mésaventures sanglantes de petits personnages animés so cute…
Les accros du net les connaissent bien. Créés en 2000 par Kenn Navarro et Rhode Montijo, deux graphistes, les Happy Tree Friends, gentils petits animaux aux couleurs chatoyantes et au sourire angélique, ne devaient a priori pas semer la terreur ailleurs que sur la toile. Leur format d’animation, Flash, et leur cible, les jeunes adultes à l’humour régressif, restreignaient leurs possibilités d’aller ensanglanter les écrans de télé ou de cinéma. Mais voilà, c’est un succès fulgurant : plus de 6 millions de connections dès les premiers mois, pour quelques 15 millions d’épisodes visionnés ! S’ensuivent donc, marketing oblige, des DVD distribués dans le monde entier, une diffusion par MTV, des jeux vidéo… Et maintenant, un film qui n’est en fait qu’une succession d’épisodes tout à fait similaires, bien qu’inédits, à ceux qu’on pouvait découvrir sur le site.
Dans la plus pure veine des comics et cartoons débilement violents, de Bip Bip et le Coyote à South Park, en passant par Itchy et Scratchy, l’hilarant dessin animé suivi par Bart et Lisa Simpson, ou les absurdes Mister O et I de Trondheim, les Happy Tree Friends vont cependant plus loin encore en affichant clairement la couleur : rouge sang. Le seul intérêt du cartoon ‑et c’est ce qui doit provoquer le rire- réside donc dans ce décalage entre l’aspect mignon des personnages et la mise en scène parfois particulièrement dégueu de leurs souffrances et de leur mort, à base d’éviscérations, d’yeux crevés, de langues arrachées, de défenestrations et autres tortures. La musique, volontairement puérile et répétitive, rythme les épisodes. Une grosse vingtaine, certains à peine drôles, d’autres franchement tordants, entre lesquels s’intercalent quelques idées amusantes : petits films sur la genèse du dessin animé, la création ou l’historique des personnages, et ces conseils avisés qui s’affichent à l’écran : « N’oublie pas de te nettoyer derrières les oreilles » ou « Ne cours pas avec des ciseaux »…
Tout ça est tout de même très limité, voire fatigant, et si la bonne humeur nous poussait, au début, à rire de bon cœur, la fin nous laisse tout juste l’esquisse d’un sourire. L’animation est ce qu’elle est, c’est-à-dire pas terrible, et les scenarii gagneraient à être travaillés. On ne trouve pas chez les Happy Tree Friends la dénonciation des Simpsons ou la poésie absurde de Lewis Trondheim. Ne reste plus qu’un concept, certes amusant et original, mais qui sonne un peu creux. Et puis, on ne voit guère l’intérêt de sortir en salles une copie presque conforme de ce qui est déjà disponible depuis longtemps sur le net ou en DVD…