Présenté à la Berlinale en 2016, retiré en dernière minute de la sélection du Festival d’Annecy la même année du fait de pressions officielles, le film d’animation chinois Have a Nice Day sort enfin dans les salles françaises. Polar mafieux racontant le vol d’un sac d’argent par un simple chauffeur et les violentes convoitises qu’il suscite, Have a Nice Day doit son charme à ses environnements urbains pouilleux et son regard noir sur la Chine contemporaine. Cependant, produit pour un budget très réduit, ce premier film pèche par son économie très contrainte et son manque d’inventivité.
Animation minimale
L’animation est réduite au strict minimum et on perçoit rapidement les ficelles de production de ce film produit « hors marché » : véhicules représentés de profil et dont seules les roues sont animées, visages quasi statiques, lignes claires et aplats de couleurs qui présentent un mélange de teintes fades et de couleurs criardes. Le style graphique du film confond par son caractère très dur, discordant et violent. Mais, contrairement à l’animation japonaise qui, construite dans la contrainte économique, a su mesurer ses efforts pour simuler le mouvement à moindre de coût, les saillies visuelles de ce film-ci sont très rares. Les compositions manquent de dynamisme, et le montage masque mal la rigidité des dialogues et la mise en scène peu inventive, voire parfois maladroite (des champs-contrechamps mal rythmés notamment). Ces défauts de production font de Have a Nice Day une expérience un peu ingrate, loin de la promesse de Pulp Fiction chinois que nous promet l’affiche. Seule une séquence onirique surréaliste, dans une sorte de montage composite mêlant imagerie de propagande communiste et icônes de la pop culture, se distingue de ce long story-board bruité.
Polar documentaire
Pour autant, le film touche par son atmosphère très ancrée dans des ambiances sonores réalistes et ses paysages de petite ville industrieuse chinoise. Conformément à l’esthétique traditionnelle du film noir, Have a Nice Day laisse une grande place aux lieux, à leurs sons, et à la pluie qui brouille la vue et ferme l’horizon. Si la lutte pour la valise d’argent a du sens, c’est parce cette ressource est le seul espoir d’un milieu qui en manque désespérément dans cette Chine capitaliste des périphéries. La rage épuisée de la lutte des protagonistes est à la hauteur de cet enjeu. Ce pessimisme généralisé fait de Have a Nice Day un film rare dans la production chinoise contemporaine et que l’on souhaiterait revoir, mieux produit, et mieux écrit.