Plus connu sous le nom de Francis Kuntz (personnage récurrent de l’émission Groland), Kafka coréalise et interprète le rôle principal d’Henry, comédie à l’humour noir et irrévérencieux. Tourné dans la région de Nancy, Henry est un film franchouillard où l’on trempe ses tartines de beurre dans le café, où l’on picole de la mirabelle jusqu’à plus soif et où des groupes de variété ringards jouent dans des maisons de retraite.
Henry est un arnaqueur, un grand égoïste de type misanthrope, avare et opportuniste qui tient un magasin d’instruments de musique à Nancy. Il est de ce genre de personnes qui voit en chaque situation la possibilité d’exploiter la naïveté ou la bonté des uns et des autres, tout en sachant appuyer là où ça fait mal. Voyez plutôt : Maurice le claviériste de son groupe de musique ayant un fort penchant pour la bouteille, Henry le fait boire pendant qu’ils donnent un concert. Et voilà que le pauvre bougre décède dans un accident de voiture suite à cette soirée. Plutôt que de le pleurer ou de se sentir coupable, Henry y voit l’occasion de mettre la main sur sa collection d’instruments de musique de grande valeur. Ni une ni deux, il se précipite chez la mère du défunt, l’embobine à coups de bons sentiments (et d’alcool de mirabelle) et se barre avec tout le matériel. Même chose avec sa sœur, avec qui il vit depuis le décès de ses parents (dont il se contrefout totalement), et qu’il essaie de faire passer pour folle afin de la faire interner et se retrouver tranquille dans son appartement. Même chose avec le contrôleur de l’inspection du travail, qu’il évite soigneusement à chaque fois qu’il se pointe dans sa boutique, car il y fait travailler un jeune homme au noir. Même chose, encore, avec ce groupe de variété rival, à qui il va tenter de piquer les contrats les plus juteux pour des bals populaires et des maisons de retraite. Et la liste pourrait continuer indéfiniment…
On le comprend très vite, l’humour noir du film est au ras de la chaussette. Les situations sont vite exploitées, et se répètent de manière assez ennuyeuse (running gag du film : Henry cache les chaussettes que sa sœur vient de repasser, Henry supprime un fichier informatique qu’elle a sauvegardé, etc… pour réussir à la convaincre qu’elle perd la tête). Francis Kuntz peine à retrouver la veine corrosive de son personnage de Groland, et ce même dans les situations qui s’y prêtent. Par exemple, Henry est engagé avec son groupe pour jouer dans un meeting d’un parti d’extrême-droite. On sent alors poindre le légendaire mauvais goût grolandais, où la farce est souvent liée à l’actualité afin de mettre en avant les dysfonctionnements de notre société. Mais point du tout, ici un des musiciens massacrera les chansons car il est ivre mort. Et c’est tout.
Le film souffre en plus de problèmes de rythme qui le rende pénible à suivre : que de scènes où Henry est seul et marmonne quelques insultes contre la personne qui vient de l’importuner ou de contrecarrer ses plans, que de scènes où il fait preuve de la même mauvaise foi grossièrement feinte par un sourire acariâtre. Le personnage en devient terriblement prévisible et les situations s’enchainent comme des petits sketches, sans que l’on en dégage le moindre objectif à long terme. Il faut dire également que la mise en scène n’aide en rien, se limitant exclusivement à faire tenir les personnages dans le champ, agrémentée de temps à autre par des gros plans qui soulignent les différentes actions du personnage. Rares sont les moments où l’on sent qu’un effort de composition des plans ou de jeu avec l’espace a été consenti (de mémoire, un début de scène, deux plans : gros plan sur l’orchestre qui joue sur une scène de bal populaire, raccord dans l’axe et plan large sur la salle quasiment déserte, point barre). Le tout arrosé d’une lumière fade qui achève de faire du film un objet finalement triste et sans vie, le comble pour une comédie. En définitive, on peut concéder qu’Henry reste tout de même un film malpoli, mais malheureusement juste malpoli.