Un professeur en droit pénal soupçonne l’un de ses étudiants d’être l’auteur d’un meurtre. S’engage alors un duel psychologique, où les hypothèses de l’enquêteur ne cessent d’apparaitre incertaines.
Si le pitch (un crime dans une école), la langue et le titre peuvent évoquer Tesis de Amenábar, Hipotesis joue moins ouvertement la carte de l’originalité (l’argument vidéo du snuff-movie) pour construire son thriller de petit malin, parsemé de circonvolutions et de virevoltants coups de théâtre.
Pourtant, la filiation entre les deux films est évidente, autant d’un point de vue du genre (le thriller psychologique en apparence modeste, en réalité clinquant), que du mal qui contamine les deux récits. Chez Hernán Goldfrid, comme chez Amenábar, la série B prétend, à un moment ou un autre, livrer une réflexion « profonde » sur le monde. Chez Amenábar, l’évocation des snuff movies « questionne » ainsi notre fascination pour les images : « chacun est voyeur, tout spectateur est pervers » semble nous dire le film – quelle originalité ! Dans Hipotesis, ce sont les concepts de justice, de droit, de la différence entre le « légal » et le « juste » que le film ambitionne de sonder. L’arrière-plan (ici le droit, l’image et le cinéma chez Amenábar) n’influe pourtant pas fondamentalement sur l’évolution des lignes narratives, mais se greffe au contraire, un brin artificiellement, aux codes très typés d’un genre comme recette.
Excepté qu’au jeu du petit faussaire aux ambitions trop grandes pour son talent, Amenábar s’en sort bien mieux, et peut au moins, à défaut de convaincre, se targuer d’un certain don pour la posture, là où Hipotesis distille au cours de séquences consternantes des aphorismes sur la justice à peine risibles, plus embarrassants que ridicules.
Mystère artificiel
Si le film parvenait au moins à briller sur le terrain de l’efficacité purement narrative, dénuée d’envergure mais animée par un certain sens du spectaculaire, il pourrait prétendre au statut de divertissement convenable. Mais non ! L’esbroufe boiteuse du film donne lieu à un carnaval d’afféteries visuelles, où se mêlent panoramiques démonstratifs, inserts surlignés, altération des couleurs et dédoublement des contours. Tout le problème peut être synthétisé par l’usage répété de cadres floutés : le film veut être avant tout mystérieux, ambigu, en somme plus profond qu’il ne l’est, et utilise l’ensemble de l’arsenal du petit malin pour parvenir à ses vains objectifs.
La grande erreur de l’objet est d’oublier qu’il n’y a pas de mystère sans une vérité inaccessible, opaque, voilée, mais dont les contours se dessinent au cœur de la brume. Hipotesis soulève de multiples pistes explicatives – un œdipe incertain, une névrose du héros, un meurtrier aux pouvoirs surnaturels – qu’il ne creuse pas et qu’il tient à même distance pour parvenir à une suspension du dénouement. Les ficelles sont si grosses que trouver un quelconque intérêt à ce pot-pourri d’effets de manches relève de l’exploit. Le film délivre toutefois, involontairement, un enseignement : être un petit malin constitue un art en soi, et le simulacre une pratique qui requiert un semblant de savoir-faire. En l’absence de ces qualités toutes relatives, Hipotesis n’est qu’un thriller profondément idiot, et passablement pénible.