History Boys ne devrait rien avoir à faire dans une rubrique qui stigmatise en général plutôt les comédies françaises emplies de beaufitude rance, ou les superproductions américaines obsédées par les résultats au box-office. Et pourtant, ce « petit film » britannique – tout de même produit par la Twentieth Century Fox, déjà responsable du misérable Eragon – a sa place dans notre peloton : mise en scène ridicule, interprétation déplorable, scénario inexistant, History Boys ne mérite aucune sympathie, ni de la part de la critique, ni de celui du public.
Ils sont une petite dizaine et n’ont qu’un objectif en tête : préparer le concours d’entrée à la prestigieuse université d’Oxford, section histoire. Bien sûr, ce sont tous des garçons, puisque, depuis la nuit des temps (et Borat), il est prouvé que le cerveau des femmes est beaucoup moins développé que celui des hommes (ce n’est pas dit, mais clairement sous-entendu). Bien sûr, ils ont des professeurs extraordinaires, comme on n’en fait plus – ou plutôt comme on n’en a jamais fait – qui les emmènent faire des promenades dans la forêt et leur apprennent le BA-ba de l’intelligence à la Cercle des poètes disparus : être original, se différencier, quitte à dire qu’Hitler et Staline n’étaient pas de si mauvais bougres que ça. Alors, intégreront-ils Oxford… ou pas ? Pour être honnête, on s’en fout.
Ce manque d’empathie envers les personnages est relativement simple à expliquer : imaginez-vous les pires heures de vos années lycée, les cours de huit heures du matin où l’appel de l’oreiller était plus fort que l’envie d’apprendre. Imaginez-vous surtout qu’au lieu d’une ou deux têtes à claques premiers de la classe, qui dérangeaient votre demi-sommeil par leurs questions intempestives, il vous eût fallu subir la pédanterie et l’arrogance de dix d’entre eux, certains de détenir la science infuse, et contestant chacun des énoncés de l’éminence grise leur faisant face. En gros et en détail, c’est bien ce qu’History Boys propose : un come-back fulgurant dans les salles de classe, version mi-somnifère, mi-cauchemar, où avant (ou à la place) de penser, il faudrait passer son temps à citer Shakespeare et Oscar Wilde dans le texte.
Nous passerons outre le fait que le film est sans doute l’exemple parfait du passage raté de la scène à l’écran, puisque History Boys est d’abord et avant tout une pièce à succès. Le réalisateur n’a à l’évidence pas su où placer sa caméra : il filme donc ce qu’il peut, où il peut et quand il peut. Or, son domaine de possibilités n’est apparemment pas très étendu… Quant aux comédiens, ils assurent le minimum syndical : jouer comme à Broadway, en faisant mine d’ignorer que leurs écarquillements d’yeux sont plus agaçants sur un grand écran que du haut d’une loge de théâtre.
Évidemment, History Boys a sans doute plus de signification pour les spectateurs anglais, rompus aux différences (flagrantes, n’en doutons pas !) entre les colleges de Christi et Jesus à Oxford. Peut-être devrait-on suggérer aux producteurs de faire une version « nationale » adaptée pour chaque pays, où l’on verrait, en France, une poignée de jeunes adultes à peine pubères préparant le concours de Polytechnique en dissertant deux heures durant sur les mérites du calcul différentiel ou de la théorie des équations diophantiennes, couvés amoureusement par un professeur pédophile à barbe blanche. Peut-être devrait-on le faire, et pourtant, on s’en passera. Promis, juré.