Réalisatrice de nombreux films publicitaires, de courts-métrages et de documentaires largement primés dans de nombreux festivals, la réalisatrice danoise signe ici son second long-métrage de fiction. Elle explore un sujet ambitieux et flirte çà et là avec le surnaturel. Déroutant, perturbant, dur, In Your Hands vous saisit au plus profond puis s’essouffle, laissant un arrière-goût d’inachevé.
L’histoire est à la fois simple et complexe. C’est celle d’Anna, pasteur et théologienne, qui accepte un poste de remplacement dans une prison pour femmes. Peu à peu, ce changement de vie va influer sur son univers personnel et bouleverser fortement son quotidien et son couple. Mariée à Franck depuis plusieurs années, ils essaient en vain d’avoir un enfant. Jusqu’au jour où elle rencontre Kate, une détenue mystérieuse et intimidante, qui semble posséder certains dons de guérison surnaturels. Sans comprendre, Anna tombe rapidement enceinte.
Humain. S’il fallait résumer le film d’Annette K. Olesen en un seul mot, ce serait sans aucun doute celui-là. En une image ? Celle de Kate (Trine Dyrholm), apposant ses mains sur le ventre d’Anna (Ann Eleonora Jorgensen). Car In Your Hands est avant tout un film de femmes. Les personnages féminins, justement, complexes et multiples, évitent le dangereux écueil du manichéisme ; ici, chacune possède sa force et ses failles. Et le face-à-face entre les deux protagonistes se joue d’abord entre ce que chacune représente : la pécheresse et la croyante, la « mère indigne » et la mère dans l’âme qui souffre d’un trop grand besoin d’enfant. Annette K. Olesen, réalisatrice mais aussi co-scénariste, joue à fond la carte des oppositions : confiance et méfiance, pardon et jugement, religieux et surnaturel, bien et mal… et place son second long-métrage au centre d’un questionnement philosophique ambitieux. Elle exploite à dessein le thème de la maternité, du désir d’enfant et de la douleur liée à l’incapacité de donner la vie, et le décline au travers de ses deux personnages antagonistes : Kate et Anna.
Mais la réalisatrice va plus loin en inscrivant son récit au sein du milieu carcéral. Un univers clos, hors norme, au ban de la société et de ses codes. Et un genre cinématographique traditionnellement suffoquant, parfois à l’excès. Le film lui doit sans conteste son atmosphère pesante empreinte de mysticisme, et qui lui donne sa couleur si singulière. Cette lumière froide, cette résonance… le tout mis en scène selon les principes du Dogme instauré par Lars von Trier. Ni artifice ni stratagème. Mais un grain grossier, une image crade (DV oblige), un dépouillement évident et une absence totale d’effets visuels. L’image s’offre à vif, à l’instar des personnages qui nous exposent leurs sentiments exacerbés et leur profonde humanité.
Et pourtant. Pétri des meilleures intentions, capables de bousculer et d’interpeller, In Your Hands souffre parfois d’un excès d’ambition. Le propos était délicat mais riche. Si riche que l’on en ressort frustré de ne pas avoir vu exploitées jusqu’au bout certaines pistes explorées par le scénario. Le film d’Annette K. Olesen existe et vibre, mais s’offre à nos yeux à l’état de canevas inachevé. Il n’en demeure pas moins un nouveau soubresaut du cinéma danois actuel, décidément prometteur. Après le récent et mésestimé Wilbur, de Lone Scherfig (déjà réalisatrice du merveilleux Italian for Beginners) ou le grinçant Les Bouchers verts d’Anders Thomas Jensen, ce cinéma-là s’affirme définitivement comme un univers décalé, dans l’humour comme dans la tragédie. Presque un genre en soi.