Mélange des genres
Dans le prolongement de son court métrage J’aurais pu être une pute, Baya Kasmi retrouve Vimala Pons et son personnage à fleur de peau. Hanna Belkacem n’est toujours pas pute mais, incapable de faire de la peine à qui que ce soit, elle couche avec bon nombre de types. Usant du flashback, le film nous fait croire dans un premier temps que le décalage du personnage est purement burlesque : Hanna n’a tout simplement jamais appris à dire non. À l’ouverture du film, elle se retrouve ainsi à un enterrement par hasard, pour ne pas avoir voulu contrarier un inconnu croisé dans la rue et la prenant pour une amie d’enfance ; elle finit par coucher avec lui. Mais peu à peu, le film nous affirme autre chose : tout ceci est lié à un événement traumatisant, Hanna ayant été victime d’attouchements par un docteur dans son enfance. On ne comprend plus très bien dès lors où se situer, comment aborder le personnage d’Hanna. Et ce passage de la comédie au drame n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le film se veut par ailleurs comédie romantique dramatique, mais également comédie/drame familial, et enfin, comédie sociale et fresque politique sérieuse. Baya Kasmi se perd dans le mélange des genres. À vouloir toucher à tout, elle est obligée de recréer à chaque fois des liens scénaristiques artificiels qui finissent par s’emmêler, créer la confusion et des platitudes embarrassantes.
Fini de rire
C’est dans son ambition de fresque politique que le film s’égare le plus, lorsqu’il tente de créer un bloc dramatique où la comédie n’a plus sa place, à travers le personnage de Hakim, le frère d’Hanna. En témoigne une scène assez drôle qu’Hakim viendra dégonfler : alors que le patron de son magasin présente à des clients des kits mains libres intégrés au voile où des calendriers permettant de trouver l’endroit où les journées sont les plus courtes pour aller passer le ramadan, le tout certifié hallal, Hakim intervient en reprochant à ces gens de ne pas être de bons musulmans. Hakim n’est pas drôle, jamais on ne rira avec lui. Au mieux, sa radicalité est étrangement expliquée par des logiques psychologiques similaires à celles d’Hanna ; au pire par les clichés banlieusards les plus gros qu’on ait vu depuis longtemps : les loubards du quartier traitent sa sœur de pute, Hakim se range à leur avis (alors qu’on apprendra plus tard qu’il a vu le docteur abuser sa sœur) puis devient une petite frappe, deale… et devient un musulman radical ayant la France en grippe au point d’aller vivre en Algérie. Le degré zéro de ce personnage est à ce point terrible qu’il s’intègre au cadre plus large d’une famille franco-algérienne au sein de laquelle il est clairement désigné comme le mouton noir. En voulant faire de sa famille Belkacem la métaphore de la société française, Baya Kasmi place donc immédiatement la fracture du côté de l’islam en en faisant d’abord une religion accueillant sans problème les radicalités. Dans le débat actuel, c’est un peu gênant…