Irène, quarante ans, est cliente mystère dans de grands hôtels de luxe. Quand elle n’est pas en déplacement, elle se fait sermonner par sa sœur, mère de famille et épouse aux standards de réussite bien différents des siens, et trouve toujours une oreille attentive chez son ex, Andrea. Mais cet équilibre précaire est troublé le jour où Andrea engrosse une conquête d’un soir et décide d’en assumer les conséquences. Irène se retrouve réellement seule, face à elle-même et à l’immensité d’un monde parcouru incognito.
Parcours en ligne droite
Beau programme que celui proposé par Maria Sole Tognazzi avec ce troisième long-métrage – et premier à être distribué en France. Je voyage seule met en scène un type de personnage absent des écrans : la femme mûre célibataire, autonome et nullipare. Une créature étrange dans une société normative où l’indépendance fait encore peur lorsqu’elle se décline au féminin. Ainsi Maria Sole Tognazzi interroge l’idée de liberté, dans toute ce que cette quête vaine peut recouvrir de solitude et de frustration. Comédie douce-amère comme l’Italie en produit régulièrement (avec les propositions inégales de Gabriele Muccino et Paolo Virzì en tête), Je voyage seule se démarque par un ton léger, mais jamais futile, pour composer un portrait de femme sans verser dans la facilité de la diatribe sociale. Dans son petit appartement moderne et vide, empli de ses absences constantes, comme dans les espaces vastes et confortables des palaces, Irène reste perdue dans le décor, ramenée à la solitude d’une existence au luxe factice. Elle traverses les espaces en coups de vent, comme elle emprunte des identités multiples et singe la vie des autres, jusqu’à jouer à la mère de famille sans succès avec ses nièces dans un grand hôtel. La voie choisie se veut donc subtile et le cap est maintenu pendant les deux tiers du film, avant que la rencontre d’Irène avec une caricature de féministe allemande (cuir, talons aiguilles et eye-liner inclus) ne vienne plomber un propos jusque-là exempt de démagogie.
Mais Tognazzi a l’intelligence de ne pas soumettre son héroïne à l’influence de ses rencontres, qu’il s’agisse de cette amie éphémère ou d’une sœur vindicative. Alors, forcément, Irène peut donner l’impression de ne pas évoluer, de ne pas avancer, perdue dans des voyages express dont le but est seulement de revenir (avec des formulaires bien remplis et des notes d’appréciation). Irène n’est pas un personnage aimable et Tognazzi ne fait rien pour que ça change. Le film puise sa force dans cette intransigeance, tout autant qu’il y trouve sa limite. Le propos se dilue dans la linéarité d’un parcours soumis à une insoumission maintes fois réaffirmée. Voilà donc surtout une partition de choix pour Margherita Buy, qu’on n’avait pas vu dans un rôle aussi intéressant depuis Tableau de famille (Le Fate Ignoranti, Ferzan Özpetek, 2001). La force de son jeu, entre froideur et légèreté, rend souvent pâle la présence de ses partenaires Stefano Accorsi et Fabrizia Sacchi, engoncés dans leurs rôles de faire-valoir. Reste un joli portrait de femme sous une photographie bien lisse.