Film sur un personnage et une actrice, L’Amour et rien d’autre part d’un fantasme tout cinématographique (et si celui avec lequel vous vivez, que vous voyez partir au travail chaque matin, vous avait menti sur son quotidien et menait en fait une double vie ?) pour s’enfermer dans la dérive loufoque et peu structurée de sa protagoniste. Un film qui se dérobe à l’émotion autant que ses personnages.
Étrange postulat que celui du premier long-métrage de Jan Schomburg : puisqu’on ne connaît pas ceux avec qui on vit alors peu importe qui ils sont, seuls l’amour et la vie à deux comptent. Qu’importe le flacon, en somme, pourvu qu’on ait l’ivresse… C’est ainsi que, suite au suicide surprise de son mari, Martha découvre qu’elle vivait avec un imposteur. Sans s’en formaliser outre mesure, la jeune femme enquête un temps puis, au hasard d’une rencontre, d’un geste qui lui rappelle celui qu’elle croyait connaître, décide de substituer au disparu un autre inconnu. Il se donne avec plaisir et facilité à la comédie qu’elle lui propose.
Un postulat étrange, mais prometteur : on sent poindre, tout le long du film, cette envie de donner corps à un amour indépendant de son objet – finalement perdu, éternellement secret. D’abord collé à sa protagoniste, L’Amour et rien d’autre fait d’un sentiment une abstraction, que la fiction essaie d’incarner dans une série de moments – affranchis de toute motivation explicite. Mais c’est un parti-pris : celui de s’abstraire de toute cohérence psychologique pour suivre un personnage qui dérive, et ne le dit jamais.
Sobrement, le scénario efface donc toute trace de logique, qui permettrait de déterminer les caractères des personnages. De là naît une certaine étrangeté, un trouble dans l’inadéquation entre les attitudes des personnages et le cadre thématique dans lequel ils évoluent (le deuil, l’imposture). Le film ne parvient cependant pas à créer un espace en accord avec cette anomalie, malgré ses tentatives : un personnage loufoque, dans le déni ; un réseau de ressemblances, de gestes mis en relation (une main passée dans les cheveux, d’un amant à l’autre) ; et une invraisemblance psychologique posée en principe. Cette discordance, frappante dès le départ, est renforcée à mesure que les situations incongrues dans lesquelles Martha plonge son nouvel amant deviennent la trame principale du film.
En choisissant d’évacuer l’âpreté de son sujet, L’Amour et rien d’autre se décharge d’une tension qui aurait été salutaire. Sans elle, la comédie que se jouent les personnages n’est que cela : une pitrerie, qui n’a pas plus d’emprise sur la cohérence de comportements trop peu motivés que sur le grave sujet développé par le film. De la fiction, il ne reste donc que des moments qui se posent comme tant de clichés dans un parcours thématique obligé : l’annonce de la mort, l’identification du corps, le déni, la crise de nerfs, les révélations, etc. Le résultat : un film qui ne sait jamais sur quel pied danser ; un film sans aspérité, aussi froid et hermétique que le personnage qu’il fait disparaître en un quart d’heure ; un film que vient assécher, encore, l’improbable musique finale.