Deuxième long-métrage pour le cinéma de la réalisatrice Diane Bertrand, L’Annulaire détonne dans le paysage cinématographique français actuel. L’histoire, difficile à résumer, offre avant tout un premier rôle à la jeune Olga Kurylenko, étonnante dans le personnage de cette jeune assistante à la fois naïve, sensuelle et mystérieuse.
Sur l’affiche, c’est elle. Jolie, brune, la peau claire et le regard sombre : Olga Kurylenko fait avec L’Annulaire ses premiers pas au cinéma. Ce jeune mannequin d’origine ukrainienne est assurément la découverte et l’une des principales qualités du film de Diane Bertrand. Troublante dans la peau de cette jeune fille entre deux eaux, un peu perdue mais pas sotte, qui trouve en son nouvel employeur une sorte de Pygmalion austère et mystérieux, elle est de bout en bout surprenante. Car le sujet du livre de Yôko Ogawa, ici adapté, c’est justement cette relation trouble entre un médecin et son assistante. Une relation de pouvoir et de chair qui ne dit pas son nom, mais qui diffuse au fil des scènes une atmosphère lourde et moite. Isolée au fond d’un parc, dissimulée par les arbres, une grande bâtisse froide en devient le théâtre. Et la musique de Beth Gibbons, la « voix » du groupe anglais Portishead, la partition.
Après Dominik Moll et Lemming, c’est au tour de Diane Bertrand de proposer un film au titre énigmatique. L’Annulaire, comme le doigt que se blesse Iris au début du film, en se coupant avec le verre des bouteilles de l’usine dont elle est l’employée. D’emblée, la réalisatrice donne le ton. Les couleurs sont neutres, la lumière froide, la moiteur des lieux presque palpable. Et son héroïne apparaît comme un être fragile, d’une grâce évidente, visiblement vulnérable au milieu des machines et du bruit. Mais l’accident, comme le titre, n’est qu’un prétexte. Iris perd son emploi, trouve une chambre dans un hôtel sans âme d’un port de pêche, et tombe par hasard sur une annonce pour un poste d’assistante. Son nouveau patron n’a pourtant rien du bonhomme et rassurant médecin de campagne. Il se révèle finalement être une sorte de taxidermiste qui met en tube, puis conserve pour une durée indéterminée, des « spécimens » de toutes sortes (objets, organismes et même sons) que lui confient aveuglément ses clients.
En adaptant le roman de Yôko Ogawa, Diane Bertrand fait de son film une sorte de laboratoire expérimental, à l’instar de celui de l’histoire. Elle y dissèque la relation qui naît entre ses deux protagonistes, et par la même occasion les thèmes du pouvoir, de l’ascendant d’un individu sur un autre et du fétichisme (une paire de chaussures, cadeau du médecin à son assistante, et qui participe insidieusement à en faire un objet). On pense à La Secrétaire de Steven Shainberg, sorti en 2003, ou encore au court-métrage Le Gynécologue et sa secrétaire (1987) de Dominik Moll, mais on s’interroge à l’arrivée sur le véritable propos du scénario. Toujours à la lisière du fantastique et de l’inexpliqué, oscillant entre conte et fantasme, la réalisatrice crée un univers aussi déroutant que fascinant. Elle interpelle mais sans convaincre, et signe un film certes audacieux, esthétique et pas dépourvu de grâce, mais qui pèche, parfois, par excès de stylisation.