Critique : L'Huître et le vent, de Walter Lima Jr

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17 juillet 2007

L’Huître et le vent (A Ostra e o Vento)

Les matins ne seront plus jamais calmes

Sur une île bercée par le vent, une fille s’invente un univers fantasmagorique et découvre ses premiers émois. Loin de tout et des autres. La rareté de ce petit film brésilien réalisé par Walter Lima Jr est assez incompréhensible mais paradoxalement elle contribue à renforcer son climat déjà très mystérieux. Fort d’un parcours de bête de festival, il a mis dix ans avant de sortir de son trou noir. La date de sortie cruelle (en plein été meurtrier) ne plaide pas en sa faveur. Et c’est relativement injuste.

L’expérience que L’Huître et le vent propose sort élégamment des sentiers battus même si en surface et en substance elle s’appuie sur une thématique et un contexte a priori éprouvés. Difficile de ne pas penser à Julio Medem (en plus soft) ou à Ingmar Bergman (en moins cérébral), mais la réussite relative de ce film brumeux qui nage dans des eaux fantastiques et côtoie des limbes troubles impose une vraie identité visuelle soutenue par une photo superbe (comme si le film était recouvert d’un voile de mystère) et une mise en scène savamment composée (comme si les éléments les plus discrets jusqu’au moindre son avaient une signification).

Construit comme un rébus à trois inconnues, le récit poétique au dernier degré est très adolescent dans sa manière légère de dissimuler des indices, de laisser des zones d’ombre apparentes, de rêvasser à travers de purs moments de contemplation grâce à des récits lointains de marins ; et, en cela, colle idéalement à la sensibilité secrète de son personnage féminin. Pas la peine de chercher midi à quatorze heures pour comprendre les connotations sexuelles de cette histoire d’éveil chez une demoiselle émoustillée par le corps d’un mâle simple d’esprit. Le film ne raconte finalement rien de plus que cette quête d’évasion et cette opposition entre réalité et fantasme. Le phare est ostensiblement filmé en contre-plongée comme un phallus érigé par un papa rustre ; les éléments naturels (l’eau, le vent) sont incarnés, eux, par la Lolita insulaire. À la manière de Terrence Malick, Walter Lima Jr sublime tout ce qu’il capte et filme le vent comme pas grand monde. Ce qui n’est pas un mince exploit. Les symboles aqueux accentuent les frustrations des personnages confrontés à leur désir cru et à leur solitude nue. À la fin de l’été — et donc du récit, un secret surgira du fond des abysses ténébreuses.

S’il peut se targuer d’une première et d’une dernière image terrassantes de beauté, le réalisateur oblige cependant à adhérer au monde fantasmagorique de la jeune héroïne et donc à une esthétique purement figurative. Il suffit d’y être réfractaire pour rejeter le personnage et tout ce qui va avec. Mais pour peu qu’on y soit sensible, le film maintient un degré constant d’intensité esthétique et émotionnelle. Pour y arriver, le malin Lima utilise tous les moyens que lui offre le cinéma. Heureusement, l’atmosphère onirique durablement installée autour des personnages, cernés par des affects qu’ils ne maîtrisent pas, fonctionne plutôt très bien. Si bien qu’on pourrait regarder le film uniquement pour son île perdue au milieu de nulle part et ailleurs. Certes, il y a ci et là une tendance à achopper sur le symbolisme et à surligner quelques effets. Mais c’est broutilles. En l’état, L’Huître et le vent demeure cet étrange élixir brésilien qui rappelle à la manière de Kim Ki-duk que la femme reste une île pour l’homme. Donc une énigme. Insaisissable et suprême. Belle et dangereuse.

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Walter Lima Jr, Romain Le Vern

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