Film à petit budget, huis clos sous forme d’histoire de kidnapping recentrée sur trois personnages, La Disparition d’Alice Creed avait potentiellement de quoi séduire. Mais le film se noie dans un récit lourdingue à la limite du grotesque, où les personnages ne sont que des pantins au service d’un scénario mécanique.
Pourquoi faut-il toujours, lorsque deux malfrats préparent un mauvais coup, que l’on nous en montre les préparatifs sous la forme d’un clip à la musique ronflante, et aux effets de mise en scène voyants ? A-t-on si peu confiance en ses personnages pour les parer d’atours si pimpants ? Dans le cas présent (la préparation d’un kidnapping), on pourrait disserter sur l’intérêt de voir deux types planter des clous et des vis pendant deux minutes, mais la vérité semble être ailleurs, plus loin dans le film. Malheureusement, cela ne va pas en s’arrangeant, Blakeson n’aspirant pas à raconter plus qu’une petite histoire sordide de rançon. Alors oui, il existe bel et bien une vérité qui se niche entre ces trois personnages, et que l’on sera amené à découvrir sous la forme de quelques retournements de situation grotesques, mais le problème reste le même : ces effets viennent relancer artificiellement la durée de vie d’un film qui déroule mécaniquement les étapes de son récit. Tout se joue au niveau des strictes relations de force entre les personnages, qui peinent à exister autrement qu’en qualité de soumission à une situation donnée. De plus, un suspense roublard vient régulièrement faire son apparition pour relancer l’intérêt du spectateur, sans autre but que de produire une scène « climax » qui permette d’enchaîner sur une autre moins trépidante. Ces à-coups et déséquilibres successifs rendent le film pénible à suivre.
De temps à autre surgissent des événements cocasses, où l’on ne sait pas si l’on doit rire ou pousser un soupir de consternation, avec par exemple, un suspense absurde sur une balle de pistolet qui reste coincée au fond des toilettes. Et l’on remarque avec un amusement nerveux une propension du film à donner dans le pipi-caca. On peut donc voir une pauvre petite bourgeoise otage que l’on force à faire ses besoins devant les ravisseurs, qui eux-mêmes se justifient d’un trop long temps passé aux toilettes par le fait qu’ils avaient besoin « d’évacuer une certaine forme de tension ». Tout ceci pourrait finalement être une agréable récréation à l’intérieur du film si celui-ci ne se prenait pas terriblement au sérieux. Car les clichés reprennent vite le dessus : le ravisseur autoritaire et susceptible s’avère être plus sensible qu’on ne le pense, l’otage plus forte et déterminée que ne le laissait présager sa position de départ. Au jeu des masques qui tombent, c’est finalement le récit qui reste perdant, dévoilant ainsi la faiblesse des enjeux qui le traverse. S’y ajoute un sens du glauque assez déprimant, où le corps de l’otage est exposé de manière disgracieuse et triviale, soulignant la pauvreté des intentions de mise en scène : tout procède donc bien du dévoilement, les éléments doivent tous être ramenés à la surface, rien ne restera dans l’ombre. À trop vouloir jouer de faux-semblants et révélations successives, La Disparition d’Alice Creed manque cruellement de cette ambiguïté qui fait la force des meilleurs films de genre.