À travers le thème de l’eau, Hidenori Sugimori offre un hymne à une Nature belle et généreuse au temps où certains chamanes étaient en communion étroite avec elle. Les images sont claires, léchées ; il transpire à travers elles la révérence du réalisateur envers les éléments naturels.
L’histoire se déroule principalement dans les bains publics que tient la jeune femme Ryo. Le générique présente des estampes japonaises d’hommes et de femmes dans les scènes de vie quotidienne sur un fond sonore de clapotis d’eau et de brouhaha humain. Les bains sont pour les japonais une éthique de vie. Selon eux, c’est le lieu par excellence où l’on apprend la vie en société, le corps humain et ses différences. L’eau est bien sûr le symbole de la vie et l’allégorie du temps qui passe.
Le titre, La Femme d’eau, est la traduction du prénom japonais du personnage Ryo, laquelle est en communion avec l’Esprit de la pluie. De très belles scènes illustrent cette entente entre le divin et l’humain. Ryo se fait enlever une dent, il pleut à verse ; Ryo pleure la mort de son père, un rideau de gouttelettes scintillantes vient la caresser pour la consoler. Mais le film ne verse pas dans le fantastique comme on pourrait s’y attendre : la poésie des images fait écho à l’histoire d’amour entre une femme d’eau et un homme de feu. Tous deux vont apprendre le respect de l’autre et la compassion.
Les quatre éléments naturels sont si présents dans les images qu’ils investissent presque le rôle principal. Le vent impose sa présence à l’écran par un montage sonore savamment orchestré. Le feu est celui de la chaudière à bois qui chauffe l’eau des bains publics. La terre, enfin, s’illustre dans le mont Fuji qu’approche Ryo au début du film lors d’un pèlerinage et dont la peinture trône au milieu des bains. Ces quatre éléments sont aussi incarnés par les personnages. Ryo, la femme d’eau, tente en vain d’assouvir la passion d’un pyromane qu’elle embauche auprès de la chaudière des bains publics. Autour de ce couple, évoluent une jeune femme libre comme l’air et une dame, folle d’avoir perdu toute sa famille, qui vit sous terre.
Ainsi, dans ce mythe contemporain, chaque scène et chaque image semblent chanter la Nature et ses éléments. Mais c’est aussi une philosophie de vie que veut illustrer Sugimori. Savoir suivre le cours de l’eau est la morale de ce film. Ryo est le type d’héroïne asiatique qui « accepte », sans jugement ni dispute. Pour le réalisateur, il est important pour l’homme d’aller vers la notion d’acceptation. Cette attitude envers la vie favoriserait la captation des moments intenses et la relation de l’homme à son environnement. La poésie cinématographique de Sugimori l’illustre à loisir. Même si l’histoire reste impossible entre le feu et l’eau, leur rencontre évoque la possibilité d’une compassion et d’une reconnaissance dans la différence.
S’il n’est pas toujours de mise, dans les conceptions européennes, d’accepter sans combattre, de courber le dos face au destin comme le prône la morale asiatique, cette fable atteint pourtant le cœur de tout un chacun, peut-être parce que l’imaginaire qu’elle suscite est, quant lui, universel.