Second film de l’Ukrainien Vadim Perelman, après House of Sand and Fog, La Vie devant ses yeux part d’un concept passablement peu enthousiasmant : traiter de la culpabilité post-traumatique d’une victime d’un massacre à la Columbine via deux récits croisés à des années d’intervalles. Mal nous en prendrait, cependant, de condamner par défaut le film pour un insipide mélo pathétique : malgré quelques défauts de mise en scène, La Vie devant ses yeux parvient à surprendre, à la fois par la teneur même de son récit et par ses enjeux.
Diana McFee est une femme heureuse, avec un mari aimant, une adorable petite fille… et un passé terriblement lourd. En effet, elle a été présente sur les lieux d’un massacre à l’arme à feu dans son lycée, façon Columbine. Elle ne cesse de revivre, en son for intérieur, les heures qui ont précédé le drame, et particulièrement la scène où elle et sa meilleure amie ont été confrontées à l’assassin. Alors que ces épisodes ne cessent de la hanter, Diana se rend compte qu’elle n’a manifestement pas fait réellement son deuil, alors que son quotidien idyllique commence à tomber en déliquescence.
La Vie devant ses yeux est l’adaptation du roman à succès de Laura Kasischke – et reste un film très littéraire, dans le traitement de son sujet comme dans les rebondissements du scénario. Par moment très bavard et peu inspiré dans sa façon de se réapproprier les figures de rythme littéraire, le film peine à sortir de la structure qu’on devine fortement inspirée du livre. Car ce rythme, cette superposition de deux époques est tout à fait centrale dans le récit, et le film de Vadim Perelman se révèle à la fois très maladroit dans sa façon d’utiliser, d’équilibrer les deux strates temporelles, et parfois extrêmement malin dans les jeux d’illusionnisme et de faux semblants qui se révèlent constituer le corps du récit.
C’est donc, en évitant de trop en dire, un récit à rebondissements que celui de La Vie devant ses yeux – et Perelman semble particulièrement attentif à conserver sa cohérence et son efficacité au récit, trop, peut-être, pour réaliser autre chose qu’un joli tour de passe-passe. Le scénario donnait l’opportunité de construire le portrait d’une ado typique américaine dans ses espoirs, ses illusions, la conscience qu’elle a, aussi, de la société qui l’entoure. Ce que, avec un potentiel similaire, réussissait Capra dans La vie est belle échappe passablement à Vadim Perelman, qui n’en finit pas de se focaliser sur l’efficacité de son récit à tiroirs.
Cela eût-il été original, peut-être cela aurait-il donné un cachet supplémentaire à La Vie devant ses yeux. Mais d’autres sont passés avant lui : Brazil, notamment, mais surtout le cauchemardesque L’Échelle de Jacob d’Adrian Lyne. S’adressant à un public certainement plus large, La Vie devant ses yeux présente donc de réelles qualités, la toute première étant de ne pas céder au pathos potentiel de son scénario. Mais tout cela manque malgré tout d’un réalisateur à la hauteur de la complexité et du raffinement de son récit, d’un auteur capable de faire autre chose que d’exprimer sa seule fascination pour un récit labyrinthique.