Aspirante chanteuse, Kate (Emilia Clarke) partage sa vie entre un travail de jour dans une boutique de décorations de Noël et la recherche, la nuit venue, d’une nouvelle place où dormir. À partir de cette configuration, le film dresse le tableau des relations conflictuelles qu’elle entretient avec son entourage plus ou moins proche (sphères familiale, amicale, professionnelle et civile) : Kate se voit en effet successivement dépeinte comme méprisante, égoïste, jalouse et désinvolte en fonction des individus qu’elle côtoie. C’est dans ce contexte morose que la jeune femme fait la rencontre de Tom (Henry Golding), un trentenaire élégant qui lui apprend à « lever les yeux », lui enjoignant à plusieurs reprises de remarquer ce qui était hors de portée de son regard (un pigeon, une enseigne à l’effigie d’un criquet, etc.). Le double ancrage dans le genre de la comédie romantique et du film de Noël implique ainsi la réalisation d’un parcours moral, qui conduira in fine à la réconciliation de la jeune femme avec ses proches.
L’horizon moral s’articule au mitan du film à l’ambition de donner un aperçu du climat social délétère de Londres, où règnent la précarité et la xénophobie — un reportage télévisé mentionne d’ailleurs le Brexit. Last Christmas répond en cela à une tradition réaliste du film de Noël, dans l’héritage de Charles Dickens, en alliant perspective morale et peinture réaliste d’un état de la société. Deux scènes témoignent toutefois d’un déséquilibre entre ces deux pôles, faisant de l’ambition sociale un faire-valoir de la dimension éthique : dans la première, un homme profère des injures racistes à l’encontre d’un couple de touristes croates et leur intime de rentrer dans leur pays. Pour les rassurer, Kate leur fait part des origines qu’ils ont en commun et mentionne au passage son nom de naissance qu’elle se refusait jusqu’alors à porter : Katharina. Elle réitère ensuite le même geste de consolation et enlace sa mère, horrifiée par l’hostilité envers les immigrés qu’évoque son poste de télévision. Les deux scènes s’envisagent ainsi moins comme une manière de documenter la xénophobie que comme la confirmation d’une transformation éthique du personnage, qui renoue à la fois avec ses origines et avec sa famille. Le même processus est à l’œuvre en ce qui concerne le rapport entre la jeune femme et les SDF : elle-même sans domicile fixe, Kate refuse pourtant de se considérer comme l’une des leurs, du moins jusqu’à sa rencontre avec Tom, ancien volontaire dans un refuge qui accueille les sans-abris. Pour le réveillon, elle est amenée à organiser dans ce même refuge un spectacle musical dont le show final sera l’occasion d’un ultime changement pour le personnage : elle renoue avec ses qualités de chanteuse — une audition au début du film avait prouvé les limites de son talent — et renonce à ses rêves de grandeur (le spectacle amateur flirte avec la kermesse d’école). La scène rejoue pourtant un schéma qui relègue les habitués du lieu à l’arrière-plan au profit de l’héroïne, entérinant l’impossibilité d’un équilibre entre les deux ambitions du film.
Last Christmas s’illustre enfin comme un film fantastique raté et prend aux mots le tube des fêtes de Wham ! qui lui donne son titre : Kate porte littéralement le cœur d’un autre. C’est du moins ce que dévoile un retournement narratif opéré dans ses dernières minutes, qui contrarie le schéma amoureux habituel des comédies romantiques et réinvestit la dimension merveilleuse au cœur des films de Noël héritiers des textes victoriens. Reste que ce retournement final interroge au vu de l’organisation générale des séquences : si le montage dessine un rapport de causalité entre la romance et l’adoucissement progressif des rapports humains, le versant fantastique censé lier les deux intéresse en fin de compte assez peu le cinéaste.