Premier long métrage cinématographique de Laurent Charbonnier, après une conséquente filmographie pour la télévision (20 titres), le documentariste animalier s’engage avec Les Animaux amoureux dans la veine des Microcosmos et autre Peuple migrateur, en réalisant une fresque romantique avec acteurs de plumes et de poils. Loin des traditionnelles visions de bêtes en rut, ce film léché aux protagonistes fascinants donne au spectateur une autre image du monde naturel et l’interroge sur son statut de mammifère « supérieur ».
La production de Jean-Pierre Bailly s’inscrit dans une démarche écologique ayant pour vocation de rappeler la nécessité de la protection de la nature dans sa biodiversité. Pour sensibiliser le public, Laurent Charbonnier a fait le choix de rassembler les prises de vues de plus de quatre-vingt espèces différentes allant du mammifère terrestre et marin au monde des oiseaux, des insectes et des batraciens. Après deux années de tournages dans plus de seize pays, le synopsis des Animaux amoureux s’est construit autour d’une trame portant sur le rite de la séduction.
Bravant les éthologues, Laurent Charbonnier a imposé un titre pour le moins contestable scientifiquement. Pourtant si ce dernier reste discutable, le cinéaste a eu le mérite de soulever une véritable réflexion sur la notion d’amour à travers son film. Interrogation amorcée par une introduction en voix off de Cécile de France sur fond de nature sauvage portée par la brise. La tonalité vocale douce et tranquille de l’actrice permet au spectateur de ressentir le rythme lent des images qui vont bientôt le conduire vers un monde méconnu. Cassant avec les clichés classiques de bêtes en période de reproduction, le film apporte une vision poétique de l’animal soulignée, en dehors des plans rapprochés, par une musique délicate et minimaliste du compositeur Philip Glass. La structure des Animaux amoureux est composée d’un développement organisé à partir de vues variées passant d’espèce en espèce, sautant, non du coq à l’âne, animaux qui n’ont pas l’honneur de faire partie du casting, mais du cerf au chardonneret. Si l’ouverture et la fermeture du film mettent en valeur un discours, la totalité de la démonstration centrale reste silencieuse offrant uniquement les chants, les râles et les cris de la nature.
Contrairement à Microcosmos qui faisait plonger le regard vers le sol dans l’univers minuscule et infini des insectes, Les Animaux amoureux s’efforce d’élever constamment la vue du spectateur par de régulières remontées verticales de caméra. Ces envolées techniques font raccord avec l’un des motifs récurrents du film : celui de l’oiseau. Du héron cendré au merle, du rossignol progné à la tourterelle verte, du cygne chanteur au fou à pieds bleus, le réalisateur propose des images de danses et de parades superbes, invisibles aux yeux du non spécialiste. Ici, ce choix quasi-immatériel de l’oiseau, synonyme de liberté et d’esprit, incarne parfaitement l’idée d’amour. De fait, afin d’appuyer cette option, le documentaire écarte le plus souvent les images d’accouplement. En dehors des ébats du lion, du kangourou et de l’orang-outan, le cinéaste préfère se focaliser sur le rapport rituel des liens affectifs éphémères et des stratégies d’approches. Comment ne pas percevoir dans ce miroir animal des traits humains ? Le film joue de cette ressemblance, parfois comique, parfois mélancolique, souvent dérangeante, et toujours touchante.
Si Les Animaux amoureux est un beau documentaire aux prises de vues admirables techniquement, il n’échappe malheureusement pas au piège de l’anthropocentrisme. Le film ne propose au fond aucun questionnement propre à l’animal. Il conduit inévitablement son propos vers l’humain, la bête ne devenant finalement qu’un support pour saisir autre chose. Le spectateur ne peut que ressentir l’étrange impression de s’être vu à l’écran durant toute la durée de la production, comparant ses comportements violents, ridicules, pathétiques, vaniteux à ceux des espèces filmées dont le sens même du rite de la parade amoureuse ne peut être compris de la même manière. Malgré cet aspect, il n’en reste pas moins que le film de Laurent Charbonnier offre un monde envoûtant qu’il ne vaut pas se priver d’aller voir.