Les Arrivants se déroule sur la scène de la CAFDA, la coordination de l’accueil des familles demandeuses d’asile. De part et d’autres des bureaux, des assistantes sociales, et des familles fuyant leur pays. Un face-à-face édifiant filmé sans faux-semblants qui renvoie à une question intime et universelle, celle de notre rapport à l’autre.
Les Arrivants, c’est un tour du monde de deux petites heures au cœur de libertés empêchées. Chine, Érythrée, Éthiopie, Sri Lanka, Mongolie… Des pays qui se distinguent par leurs régimes autoritaires, où l’opposition est forcée de se taire. Où les libertés, de pensée, de mouvement, de dénonciation, sont empêchées. Cette liberté, les personnages des Arrivants espèrent en prendre le chemin en débarquant en France. Une soif de liberté qu’on découvre derrière les bureaux d’assistantes sociales. Celui de la jeune et impulsive Caroline, parfois dure, dont l’impuissance s’exprime en larmes rageuses, celui de la ronde et généreuse Colette, plus aguerrie. Celui de Juliette, la juriste, qui tente de faire accoucher les arrivants de détails propres à étayer leur demande d’asile. Dans le huis-clos de la CAFDA, on voyage tout autant dans les pays d’origine des familles arrivées en France que dans les représentations mentales des « accueillantes ». Caroline, Colette et Juliette ont le monde à leurs pieds, sa détresse, et ne peuvent répondre qu’avec leurs maigres moyens.
Les Arrivants n’est pas strictement un film politique. Son ton n’est pas militant. Il n’assène pas, il montre, il suggère. Une vérité complexe, celle de l’immigration, qui dérange, dont on ne sait, parfois, que faire, qui nous confronte à notre capacité d’accueil, en tant que société, mais aussi en tant qu’individu. Le contexte politique est bien présent, mais en arrière plan. L’objet de Claudine Bories et de Patrice Chagnard, c’est l’humain, en premier plan de leur film. Des hommes et des femmes dont on découvre les bribes de leur histoire en même tant que les assistantes sociales. Ce face-à-face complexe confère aux Arrivants un ton plus universel, plus intime. Un ton porté par une confrontation, loin d’être évidente, entre des individualités. Où la frontière du strict rôle professionnel est parfois franchie. Le bureau, cette frontière impossible, dispositif qu’emprunte la caméra des réalisateurs, devient le symbole de la difficulté des échanges. Le travail de Colette et de Caroline renvoie chacun à sa réflexion : que ferions-nous à leur place ? Comment voyons-nous ces immigrants ? Il y a, d’une part, de façon intangible, le manque de moyens : tickets restau, titres de transport, chambre d’hôtel… Difficile de faire face à toutes les demandes. Mais il y a, aussi, de façon plus intime, notre rapport à l’autre, au lointain, à l’étranger. Un rapport matérialisé par la traduction, sans laquelle l’incompréhension se fige, mais qui reste un maigre outil.
Malgré tout, malgré les absurdités et les méandres de l’administration, malgré le manque criant de moyens, Les Arrivants oscille entre la gravité naturellement inhérente au propos, et contenue dans les histoires de ces familles, mais aussi un ton plus léger, où parfois les visages se décrispent, les sourires se forment, les rires naissent, enfin. On navigue dans ce documentaire avec le suspense, l’action, les rebondissements propres à la fiction. Sauf qu’on n’est pas dans une fiction, et que les personnages sont des personnes, réelles, qui s’engouffrent dans l’exil sans assurance d’avenir.