Entièrement consacrée au recueil des souvenirs d’alpinistes polonais, la filmographie de Jerzy Porębsk constitue un cas unique dans le genre du documentaire sportif. Sa première œuvre projetée en France (principalement dans le cadre de festivals de films sur la montagne), Kukuczka, faisait le portrait du grand himalayiste polonais du même nom, qui a fait la gloire du sport soviétique dans les années 1980. Les guerriers de l’Himalaya – réalisé en 2014 et qui nous parvient aujourd’hui grâce au travail du distributeur lyonnais Filigranowa, spécialisé dans les films d’alpinisme – s’attache de son côté à recueillir le témoignage d’une génération de grimpeurs originaires de Zakopane, vainqueurs de nombreux sommets himalayens dans les années 1980. Le style de Porębski est on ne peut plus simple : des interviews face caméra, avec les intervenants parfois debout, immobiles, au milieu d’un paysage de montagne, tandis que des photos illustrent leurs propos. Davantage qu’un récit organisé, l’ensemble prend la forme d’un amas de souvenirs, celui de vieux briscards se remémorant autant leurs coups d’éclats sur les pentes du Nanga Parbat, du K2 ou du Cho Oyu, que leurs inoubliables bitures à Katmandou. Si la redondance du dispositif et le goût de l’anecdote peuvent lasser, le film s’avère néanmoins touchant quand les vieux alpinistes témoignent du fonctionnement de leur micro-communauté, constamment confrontée à des risques immenses. Émerge alors la nostalgie pour quelques valeurs propres aux sociétés communistes (la gestion du poids des sacs, la médaille forgée avec 1/7 des autres médailles). Ce parti pris anti-spectaculaire, reposant uniquement sur la puissance du témoignage oral, constitue une alternative convaincante à l’esthétique contemporaine du documentaire sportif, où la surenchère d’images ébouriffantes (plans aériens, ralentis, caméra embarquée) a pour seul but de transmettre l’émotion suscitée par un exploit en milieu naturel.