Audrey vient de décrocher son bac dans une petite ville de province. La rentrée approche et, pour poursuivre ses études à la fac, elle déménage dans la grande ville du coin – laissant derrière elle parents, meilleure amie recalée au précieux examen, et petit copain. Elle s’installe en coloc et découvre, avec ses nouveaux amis, les bases de l’engagement politique. Récompensé par le Prix du public au dernier Festival Premiers Plans d’Angers, le long-métrage de Bénédicte Pagnot souffre, malgré une sensibilité appréciable, d’un caractère trop anecdotique et – c’est un comble – de son manque d’engagement.
Les Lendemains est l’histoire de deux échecs. Quand Audrey et Nanou, dès l’ouverture du film, se connectent à internet pour trouver leurs résultats du bac, deux voies s’amorcent dans la fiction, comme deux possibles pour les adolescentes d’une petite ville de province aujourd’hui. D’un côté : Audrey, bac en poche, déménage dans une grande ville pour ses études. Au contact de sa nouvelle coloc et surtout de squatteurs qu’elle rencontre plus tard, elle découvre l’engagement politique et se jette corps et âme dans cette nouvelle vie, coupant les ponts avec ce qui faisait sa vie d’autrefois. D’un autre côté, et en sourdine – car les apparitions de Nanou ne sont qu’épisodiques, servent de toile de fond à l’intrigue principale centrée sur Audrey – Nanou, qui abandonne le lycée et, enceinte, décide d’avoir seule un enfant.
Si on commence par la fin, on peut dire que cette trame narrative dessine un intéressant tableau de notre société. Bénédicte Pagnot a l’habileté de se sortir des codes et automatismes du cinéma français, s’intéressant à un monde et à des personnages qu’on voit peu sur grand écran – ils sont retranchés, en général, à l’univers des fictions télé. L’avancée parallèle de ces deux jeunes filles, qui se retrouvent à la fin le temps d’une accolade en prison, dessine donc un douloureux tableau de notre pays – un pays dans lequel les jeunes filles, qu’elles aient leur bac ou non, semblent avoir du mal à s’en sortir seules. À ce titre, Les Lendemains est une démonstration intéressante et sensible, dont on saisit la portée et les intentions dans cette confrontation finale, lorsque ce double échec prend forme et signification.
Si les intentions et la conclusion sont bonnes, les qualités de l’intrigue elle-même sont malheureusement plus discutables. Ce qu’entend filmer la réalisatrice, c’est la naissance de la conscience et de l’engagement politiques chez son personnage. Or, si l’insertion de la jeune fille dans ce milieu – par l’intermédiaire de sa coloc’ d’abord, puis du squat politique qu’elle rejoint – est posée clairement, le film reste à la surface des motivations de sa protagoniste. Ainsi son attachement à la lutte de ses copains de fac se limite à son attirance pour Thibault, tandis que l’activisme dans lequel elle se lance avec les squatteurs du GRAL ressemble trop à une attraction moutonnière. En fait, Bénédicte Pagnot et sa coscénariste évincent de leur scénario tout discours politique, toute théorie. De l’engagement d’Audrey, alors, la réalisatrice ne donne que la forme d’une curiosité ou, pire, d’une lubie. Peut-être s’agit-il de rendre compte de la vie telle qu’elle est et du manque de fondement, d’abord, de l’engagement de cette jeune fille perdue ? Peut-être sous le réalisme plat de la mise en scène Pagnot et son actrice cachent-elles une profonde sincérité ? L’absence de discours politique du film, qui se contente de montrer son personnage observer le monde tel qu’il est, épuise toutefois la résonance des découvertes d’Audrey. Ses actions perdent leur motivation. En choisissant de n’être qu’un point de vue – plutôt qu’un geste – Les Lendemains devient une errance un peu vague, plutôt qu’une observation fertile.
Dans un dernier souffle, cela dit, Audrey et l’actrice Pauline Parigot nous adressent un regard plein de rage. Incarcérée, la jeune fille aurait-elle saisit, enfin, l’urgence et la rage de la lutte politique ? Tout à coup il semble que peut-être le long développement du film n’était que l’amorce de ce geste à venir. Les Lendemains ne s’intéressant qu’à la graine plantée – qui deviendra un jour colère et engagement. L’idée est belle, mais cinématographiquement, cela ne tient pas : car l’ampleur contenue dans cette scène finale est la promesse de tout ce que ce film de près de deux heures n’est pas. Si elle donne un espoir en tout cas, c’est celui que la proposition que nous font B. Pagnot et sa jeune actrice, dont c’est le premier rôle, s’incarne à l’avenir avec autant de force que dans ce dernier regard. À suivre !