Mel Brooks a écrit le scénario de The Producers en s’inspirant d’une anecdote qu’il a vécue auprès d’un producteur de théâtre : ce dernier escroquait des personnes âgées en leur proposant un pourcentage sur les bénéfices du spectacle. Sorti en 1968, ce premier film, quoique maladroit, révéla l’humour décalé de ce réalisateur hors norme.
Mel Brooks s’est rendu célèbre par ses parodies de films en tous genres. Mais loin d’une Folle Histoire de l’Espace ou d’un Sacré Robin des Bois, l’humour de The Producers reste très ponctuel et se retrouve délayé dans des dialogues parfois « criards ». L’interprétation des comédiens est théâtrale, ce qui ne fait que renforcer le tempérament passionné des personnages. Le mode caricatural s’érige alors, en décalage avec un texte intéressant foisonnant de personnages hauts en couleur : le producteur véreux et charismatique ; le contrôleur des finances honnête, chétif et névrosé; le scénariste, fanatique nazi grand et idiot ; le metteur en scène et l’acteur principal en homosexuels exubérants. Chaque individu est clairement distinct mais le film n’aurait pas pour autant perdu de son dynamisme et de sa qualité si Mel Brooks avait su délaisser les gros traits.
La maladresse de certains passages est fort heureusement compensée par l’originalité du scénario : un producteur et un employé au contrôle financier s’associent pour monter le pire spectacle de Broadway et récupérer les capitaux mis en jeu. L’histoire est simple et bien vue. Mel Brooks nous entraîne alors avec pertinence dans une satire du milieu théâtral. Les situations cocasses et les anecdotes se succèdent, et bien qu’elles paraissent parfois invraisemblables, ce sont elles qui permettent au film et au récit de prétendre à une réelle authenticité. Mel Brooks a présenté les étapes principales de la construction d’un spectacle sur le registre comique. Rien n’est donc à prendre au sérieux ! Déjà à cette époque, le réalisateur prenait un malin plaisir à détourner de leur fonction initiale les scènes les plus convenues : même dans les situations les plus tragiques, les personnages déforment la réalité à leur avantage, réalité qui devient alors incroyablement amusante.
C’est avec cette même approche que Mel Brooks introduit ses effets de surprise. Il tourne en dérision les caractères des personnages et leurs agissements avec un rythme endiablé pour provoquer l’étonnement. Le retournement de situation sur le thème de l’arroseur arrosé déconcerte le spectateur et les deux protagonistes : ce qui devait être un navet se révèle un succès. Mel Brooks fait apparaître alors un second degré de lecture. L’introduction du spectacle, véritable apologie d’Hitler, est consternante, mais le premier acte qui se veut pourtant sérieux, apparaît aux yeux du public comme une parodie. Il est assez difficile de s’imaginer que si mauvais goût puisse faire rire, et pourtant… C’est ainsi que Mel Brooks surprend par une mise en abyme « non voulue » : une parodie mise en scène dans une satire.
The Producers dévoilera et installera la « patte » Mel Brooks que l’on retrouvera de manière inégale tout au long de sa carrière cinématographique.