Janis Cimermanis est un réalisateur de films de marionnettes et depuis plus de dix ans, il donne en plusieurs séries de courts métrages sa vision animée du monde. Les Trois Mousquetaires, son deuxième long après Prop & Berta (2000) a été créé au sein du Studio AB (Animacijas Brigade – la Brigade de l’Animation). Ce studio situé à Riga existe depuis quarante ans et travaille de manière traditionnelle (image par image) avec une équipe de fous de la marionnette. C’est dire que cette énième adaptation du célèbre roman d’Alexandre Dumas foisonne de délicats détails : des costumes aux décors, la richesse du rendu impressionne. Il n’en reste pas moins que les mésaventures de D’Artagnan manquent de panache et si les pantins sont amusants, la mise en scène évite tout suspense.
Athos, Aramis, Porthos, Milady, Rochefort et les autres auront été incarnés depuis le début du cinématographe plus d’une vingtaine de fois. Après la première adaptation, celle de Calmettes et Pouctal (1913), viennent celles d’Henri Diamant-Berger, (en 1921 et en 1933), d’André Hunebelle (1953) avec un irrésistible Bourvil en Planchet, ou celle de Bernard Borderie (1961). De récentes versions télévisées ont rendu grâce aux silhouettes d’Emmanuelle Béart et d’Arielle Dombasle, toutes deux en garce Milady. Le roman a forcément traversé l’Atlantique : George Sidney a, lui, confié le rôle de Milady à Lana Turner pour la version de 1948, et Richard Lester à Faye Dunaway en 1973. Vingt ans plus tard, Kiefer Sutherland, Chris O’Donnell, Rebecca De Mornay, Julie Delpy, Oliver Platt continuent à défendre les intérêts d’Anne d’Autriche ou à comploter contre elle dans le film de Stephen Herek. Mais les adaptations les plus réussies car librement inspirées et joyeusement insolentes restent celle de Max Linder, L’Étroit Mousquetaire (1923) et dans un tout autre registre, La Fille de D’Artagnan de Bertrand Tavernier (1994). Les deux dernières versions du roman d’Alexandre Dumas sont, hasard du calendrier, des films d’animation : Walt Disney en 2004 et Janis Cimermanis en 2005.
Et il est bien vrai que la douce Constance, l’ardent d’Artagnan, le romantique Aramis, la maléfique Milady, le drôle Planchet ou le jaloux Richelieu, sont autant des figures de drame que de comédie. Le genre cape et d’épée, et surtout avec Les Trois Mousquetaires, distille l’aventure en travaillant tous les sentiments humains, les contradictions, les blessures, les amours. Il y a des morts et des vainqueurs, des méchants punis et des gentils récompensés. La Milady, notamment, personnage complexe, est la garce la plus espérée mais hélas, chez Janis Cimermanis, n’apparaît que deux ou trois fois. Son rôle est édulcoré et d’ailleurs, dans le film, ne reste que les bons et Constance ne meurt même pas. Notons d’ailleurs que les voix off ne collent guère aux personnages. La trame narrative a tellement été réduite que certaines actions sont incompréhensibles (lorsque les trois mousquetaires se retrouvent – pourquoi ? comment ? – à suivre d’Artagnan pour l’Angleterre, par exemple). Le scénario s’épuise très rapidement et aucun effet de mise en scène ne vient palier la dure réalité : le manque de suspense. Certes, les déboires de la reine sont bien connus mais la façon de traiter et de donner rythme à l’histoire ne convainc pas.
Et finalement, dans cette obsession du détail, l’anecdotique passe avant le récit. Car la prouesse technique (30 minutes de film demande 65 000 heures de travail – quatre ans de tournage donc), la prouesse technique donc – faire bouger au plus naturel ces bras, ces jambes, ces joues – étouffe la narration. Le regard est surtout porté sur le luxe déployé dans les costumes, les décors, la gestuelle. L’attention se libère et le film n’est plus qu’une suite de tableaux amusants mais anodins de l’histoire d’Alexandre Dumas.