Après leur coup d’essai À l’intérieur, le duo français remet le couvert avec Livide, encore un film de genre. Moins gore que son prédécesseur (même si certaines séquences dégoulinent d’hémoglobine), le film met en présence des vampires fantomatiques et des adolescents décérébrés dans un grand manoir inhabité. Si le scénario vous rappelle les ingrédients d’autres métrages, la mise en scène ne ressemble à rien de déjà-vu. À rien tout court.
Lucie (Chloé Coulloud), étudiante infirmière en stage, fait équipe avec Wilson (Catherine Jacob à contre-emploi), infirmière à domicile sensée lui apprendre les rudiments du métier. D’un patient à l’autre (l’isolement des pauvres vieux bougres sentant bon la critique d’une société qui abandonne ses aînés), la tournée s’achève dans une grande bâtisse délabrée où croupit Jessel (Marie-Claude Pietragalla), professeur de danse centenaire aujourd’hui plongée dans le coma. Mais Halloween donnant de mauvaises idées aux jeunes gens paumés, Lucie, son petit ami William (Félix Moati) et Ben (Jérémy Kapone) décident la nuit même de cambrioler la demeure où un trésor serait caché. Après quelques tergiversations moralistes, le trio s’introduit dans l’immense maison. Le jeu de massacre peut commencer.
Les grands films de genre ne s’embarrassent que rarement d’un bon scénario (les whodunits d’Argento dans les années 1970 en sont un exemple) mais Bustillo et Maury (scénaristes de leurs films) ont visiblement planché sur Livide. Peut-être trop… Mélangeant les codes du ghost movie (la maison abandonnée menaçante) et ceux du film de vampire (sans compter les clins d’œil à l’univers de la sorcellerie), ils entassent des références sans parvenir à mener à terme l’un ou l’autre des genres. Volontairement touffu, Livide ouvre trop de pistes : la mère de Chloé s’est suicidée et semble hanter sa fille (les apparitions de Béatrice Dalle en matrone ectoplasmique frôlent le grotesque), Ben passe à travers un miroir (une réalité alternative ? le passé ?) et se fait massacrer par des petites ballerines ultra-violentes (pourquoi ?), la fille de Jessel, transformée par sa mère en poupée mécanique cherche sa rédemption (qu’elle trouvera dans un final hilarant où elle vole au milieu des mouettes !). En ajoutant à cela Jessel à la recherche de sang frais et Wilson qui trucide des enfants dans sa baignoire, on obtient un grand n’importe quoi narratif, un amoncellement de séquences esthétisantes non déplaisantes (les déplacements de la féline Pietragalla par exemple) qui ne font pas, loin s’en faut, un film.
Quant à la mise en scène, le duo se contente du minimum syndical. Les situations qui auraient pu susciter la peur ou l’angoisse sont souvent plombées par des effets faciles et attendus (un champ avec trois personnages puis un contre-champ sur l’espace vide, retour au champ initial où il ne reste que deux héros). Alors que le décor, sorte de cabinet des curiosités géant, aurait pu instiller un malaise souhaitable sur le spectateur, il demeure une coquille belle mais vide de sens. Jamais symbolique, Livide joue sa partition au premier degré, entre des gamins qui jouent à se faire peur sans nous inquiéter, des séquences sanglantes trop esthétiques et auto-complaisantes et des envolées qui lorgnent le lyrique pour mieux se vautrer dans le ridicule. Livide sera le public au sortir de ce spectacle grand-guignolesque. Un genre en soi mais peut-être pas celui recherché par les amateurs.