Premier teen-movie gay grand public, Love, Simon a été un véritable phénomène aux États-Unis. De nombreuses stars, en effet, ont relayé la sortie, certaines privatisant même des cinémas pour permettre au public d’assister gratuitement à une séance. Il y a quelques jours, le film a aussi été récompensé par le prix du meilleur baiser (entre deux garçons, donc) lors des MTV Movie Awards. Difficile de savoir ce qui relève de la sincérité ou du coup marketing, mais cet élan collectif a au moins eu le mérite de mettre sous les feux de la rampe une histoire dont les valeurs peuvent encore faire grincer des dents dans l’Amérique de Trump.
À l’origine, il y a un roman de Becky Albertalli plébiscité par les ados : Moi, Simon, 16 ans, Homo Sapiens, l’histoire d’un lycéen américain encore dans le placard qui s’éprend virtuellement de « Blue », un autre homo de son lycée qui lui cache son identité. La Fox, qui en acquiert les droits, sent le bon filon et prend un risque, somme toute, assez mesuré. De nombreuses séries américaines comme Dawson (dont le réalisateur de Love, Simon était l’un des show-runners) ou Glee ont largement contribué à ouvrir la voie, ces dernières décennies, aux personnages gays. Plus largement, le film s’inscrit dans une production où les nouvelles problématiques adolescentes s’expriment sans tabous que ce soit dans dans des séries comme 13 Reasons Why (dans laquelle joue d’ailleurs Katherine Langford) ou des musicals comme Dear Evan Hansen. En somme, Love, Simon est tout à fait dans l’air du temps de la génération 2.0.
Dans le meilleur des mondes
C’est d’ailleurs ce qui fait à la fois les qualités et les limites de ce film au message progressiste qui a du mal à sortir des conventions du genre. Il faut donc accepter la grossièreté des traits de certains personnages (comme les parents), les raccourcis scénaristiques un peu faciles, l’ambiance très WASP (heureusement contrebalancée par un personnage métis) et le chemin ultra balisé qui nous amène logiquement vers un happy-end où toutes les intrigues sont joyeusement résolues. L’acceptation de l’homosexualité est, elle aussi, légèrement sublimée et constamment guidée par un élan positif : les lourdauds homophobes du lycées sont ridiculisés, les parents sont (trop) aimants et la sortie du placard est complètement désamorcée par un ressort qui a mis le héros en porte-à-faux avec ses camarades pour d’autres raisons. Certains critiques ont pu reprocher cette vision idéaliste et ce besoin de normaliser à tout prix l’homosexualité, comme si l’acceptation passait nécessairement par la banalisation. Mais à défaut d’être totalement crédible, le film peut au moins se vanter d’avoir un rôle éducatif et servir de modèle à des parents et ados confrontés de près ou de loin à l’homosexualité. Car, sur ce sujet, Love, Simon ne prend aucun détour. Il a le mérite d’appeler un chat un chat, d’assumer sa love-story gay et de proposer, par trois fois, un baiser entre deux garçons.
Dans cet environnement sans grandes surprises, les moments les plus intéressants de Love, Simon sont justement ceux où le réalisateur s’autorise des sorties de route. Acquis à la cause, Greg Berlanti nous offre plein de petits clins d’œils à la culture gay, comme ces références aux comédies musicales et ces virgules qui trouvent leur paroxysme dans une séquence chorégraphiée au rythme de Whitney Houston. Par moments, le film s’offre aussi des incursions bienvenues du côté de la nouvelle comédie américaine, initiée par les frères Farrelly (la scène de la soirée Halloween) ou, plus récemment, par Judd Apatow. Certains personnages secondaires, comme la professeur de théâtre ou le principal du lycée, dynamisent aussi l’ensemble et apportent des petites bouffées d’oxygène avec leur humour incisif. Malheureusement, la dernière partie du film nous ramène dans le droit chemin et délaisse totalement ces escapades pour se recentrer sur l’intrigue. Dommage pour le spectateur qui a déjà passé l’âge des jeunes garçons en fleur et qui aura l’impression de manquer de grain à moudre. Dans le genre, la comédie indépendante Gay Best Friend (que l’on a pu voir en festivals et sur Netflix) se montrait un tantinet plus audacieuse.