Sur le papier, Lucky Strike invite le spectateur à éprouver un plaisir simple : celui de suivre un puzzle narratif, comme la caméra suit, dans le plan inaugural, le trajet d’un sac d’une marque célèbre. Ce sac est un peu à l’image du film : on pourrait se demander ce qu’il renferme (bref suspense rapidement éventé), si sa griffe ne pointait pas d’emblée un goût pour le luxe et le clinquant. L’argent sera de fait le « sujet » de Lucky Strike, ou moins sa garniture, puisque l’intérêt ne se trouve pas tant du côté de la fable tressée par le récit (pour résumer : l’homme est un loup pour l’homme, bien mal acquis ne profite jamais et le crime ne paie pas), que de l’embranchement de fils narratifs agencés en trompe-l’œil, même si l’on devine assez rapidement que le montage parallèle des intrigues ne suit pas une stricte linéarité chronologique.
Si pour son premier film Kim Yong-hoon semble manifestement inspiré par la dramaturgie feuilletonnante d’un Tarantino (à laquelle il emprunte d’ailleurs la structure chapitrée), le goût du pulp, des ambiances de films noirs et de figures cartoonesques côtoie un moralisme à rebours de la jouissance derrière laquelle il court. Le sac rempli de billets, c’est au fond la valise de Pulp Fiction prise très au sérieux ; plus un simple MacGuffin, mais aussi le support d’une allégorie de la corruption des âmes par l’argent. Ainsi, le film punira chaque personnage pour son appétit (proportionnellement à ses crimes), sans se départir d’un entre-deux assez étrange. Petite comédie policière sous influence, Lucky Strike ne se résout pas à ne tenir que sur un prétexte ; quand bien même l’édifice repose sur ses figures bigarrées, il lui faut les enserrer dans un carcan. On en revient au sac : la séquence d’introduction s’achève sur un surcadrage – un casier, dans lequel l’objet sera inséré, avant d’être verrouillé.