Quelque part dans les environs de Montpellier, Luna, jolie jeune femme énergique, coule des jours presque paisibles, entre contrat d’apprentissage chez un horticulteur et une bande de copains avec qui elle fait régulièrement la fête. « Presque » car dès les premières scènes, une ombre vient ternir le tableau : un avortement programmé dans les prochains jours, conséquence d’une relation inconséquente avec Ruben, aussi beau parleur que grossièrement égoïste. Avant même que ne se mette en place le nœud de l’intrigue, Elsa Diringer — dont c’est le premier long-métrage — pose trop clairement un antagonisme qui ne cessera jamais d’irriguer la structure du film : Luna, impétueuse et passionnée, ne fait pas encore la distinction entre ce qui est bien ou mauvais pour elle et les autres. Mais son entièreté dessine une trajectoire pour la suite des événements facile à identifier : son éveil progressif mâtiné d’une prise de conscience morale lui permettra-t-elle de s’extraire d’un groupe de jeunes puérils qui la tire vers le bas ? La question ne ménage en soi aucun suspense tant le film, entièrement dévoué à son personnage-titre, a bien du mal à s’affranchir de son programme, sacrifiant au passage les personnages secondaires (soit caricaturaux, soit sous-exploités comme la mère pourtant incarnée avec un beau naturel par Juliette Arnaud). C’est que la réalisatrice ne perd jamais de vue son objectif de faire passer Luna de l’ombre à la lumière, quitte à convertir chaque scène à cette seule finalité scénaristique.
Le personnage double
Un soir de beuverie, Luna et sa bande de copains tombe sur Alex, un jeune graffeur, dans le squat qu’ils ont l’habitude d’occuper. La situation dérape rapidement et le jeune homme est violemment agressé par Ruben sous les encouragements du groupe. Alors que les agresseurs sont sous le coup d’une potentielle plainte, Alex se retrouve à travailler aux côtés de Luna… qu’il ne reconnaît pas. Et pour cause, la jeune femme a entre-temps changé de look, ce qui lui donne l’opportunité de garder le silence sur sa propre culpabilité… jusqu’à tomber amoureuse de la victime. Le dilemme pour Luna, on ne le devine que trop facilement, est celui de l’aveu ou du silence. À maintes reprises, le récit pose la confession comme inévitable à la poursuite de la relation pour aussitôt la reporter à la scène suivante. Peu inspirée, la réalisatrice s’en tient un peu trop exclusivement à ce suspense artificiellement gonflé et prend le risque de vider son film de toute autre substance. Malgré la belle photo qui magnifie l’abandon progressif des jeunes amoureux et la complicité palpable entre les deux acteurs principaux (Laetitia Clément et Rod Paradot), la mise en scène d’Elsa Diringer s’échine à tourner continuellement autour du pot en se reposant un peu trop sur la dichotomie suivante : comment la Luna d’après peut-elle assumer la Luna d’avant pour se donner une véritable chance ? Les scènes finales, décevantes dans leur manière d’appréhender un nouvel horizon, sont à l’image d’un film délesté d’une ambiguïté pourtant essentielle. Luna choisira le bon camp, c’est manifestement tout ce qui importe.