Il y a dix ans, Serge Frydman, scénariste de Patrice Leconte, passait à la réalisation avec Mon ange, roadmovie sur la rencontre d’une prostituée et d’un adolescent. Il réitère l’essai avec Maintenant ou jamais, pour décrire la rencontre improbable de Juliette (Leïla Bekhti) et d’un petit voleur (Nicolas Duvauchelle), réunis le temps d’un braquage désespéré. Elle, habite un petit appartement avec son conjoint et ses deux enfants, mais vit à Paris. Sans mener une vie confortable, la famille est loin d’être dans la détresse. Lui, a fait un peu de prison et vole un sac à main pour la première fois : le sien. Juliette y voit un signe pour répondre à ses tourments. En effet, le chômage de son conjoint l’empêche d’assumer un emprunt immobilier et Madame ne veut pas renoncer à son rêve d’une maison avec jardin dans les Yvelines. Elle s’englue alors dans le mensonge et l’illégalité, avec une volonté farouche. Malgré quelques belles idées de mise en scène, le film souffre vite de son prédicat de départ discutable, un élan obsessionnel d’un matérialisme sans nom. Si la vraisemblance du récit est fragile (embaucher le voleur de son sac pour un braquage ambitieux…), les motivations de cette étrange héroïne laissent aussi sceptique. Très vite, l’action malfaitrice, dans son succès ou son échec, n’est qu’un prétexte au développement de tensions passionnelles, vrai sujet du film. Mais sur ce terrain, la réalisation, plus inspirée, demeure encore fragile.
Trop belle pour toi
Maintenant ou jamais, c’est surtout l’histoire fragile d’une névrose, celle d’une mère habitée par une idée fixe au-delà de toute rationalité, une idée fixe qui l’empêche juste de sombrer en elle-même. Cette folie, Frydman l’effleure sans l’explorer assez, et c’est bien dommage car le centre névralgique du film est là. Dans la rencontre de Juliette et du braqueur débutant, on sent bien l’envie de mettre en scène la réunion de deux forces contraires, de deux êtres à l’identité floue dans une tension sensuelle contenue. Le braquage est une opération suicide, dont le risque constitue en soi un moteur érotique. La chambre d’hôtel, point d’observation stratégique de la cible, où les deux complices se retrouvent chaque jour à heure fixe, emporte le film sur un terrain intimiste et délicat. Les rendez-vous secrets prennent ainsi une dimension adultérine par l’imagerie qu’il charrie, comme une variation chaste d’Une liaison pornographique de Frédéric Fonteyne. Peut-être le film n’aurait-il pas dû en sortir… La mise en scène y joue avec pertinence de l’étroitesse et de l’obscurité de l’espace, comme elle se veut propice aux élans scopophiliques croisés, dans de longs gros plans sur les visages des braqueurs amateurs. Lui ne regarde vite plus qu’elle, fasciné par sa détermination incompréhensible. Elle ne regarde que sa cible, enivrée par la perspective du danger et par une foi obstinée dans la réussite de son projet insensé. Si doucement, son regard glisse de l’hôtel à lui, l’obsession est plus forte que le désir. La dimension mal-aimable et égoïste de Juliette en fait d’ailleurs un personnage rare. Et, en faisant de Duvauchelle un héros sacrificiel, dont le parcours prend une dimension expiatoire mélodramatique, Frydman cherche à désamorcer le happy-end. Mais la fin du film, précipitée dans un montage elliptique sur une bande-son surexpressive, expédie à la hâte ce qui constitue tout son intérêt : le trouble dans le couple, le changement irrévocable provoqué par une expérience intense et secrète. En somme, Maintenant ou jamais s’emmêle dans la mise en œuvre d’intentions pas inintéressantes, mais menées à mal par un scénario et une réalisation qui effleurent tout sans jamais aller au bout du potentiel de leur sujet, à la croisée du drame passionnel et social.