Le monde est binaire, c’est bien connu, et Mariage à l’anglaise nous le rappelle. Il y a les bons et les méchants, les idiots et les intelligents, les riches et les pauvres… La nuance, c’est un peu trop complexe – on peut, en revanche, combiner les concepts. Ainsi, les beaux sont riches et fonceurs, les altruistes sont des médiocres un peu rêveurs. Et, toujours selon Mariage à l’anglaise, on a beau faire, on ne mélangera pas les uns et les autres.
Les rom-com fonctionnent sur une mécanique bien huilée : un Cupidon scénariste veille farouchement sur le développement des événements. Il sait qui finira avec qui, et le spectateur avec lui. Enthousiaste zélateur, celui-ci voit avec plaisir s’emboîter les pièces, les rouages jouer les uns avec les autres, pour atteindre la conclusion attendue, en dépit de tout. Doit-on donc en vouloir au scénariste-réalisateur Dan Mazer (responsable des scénarios de Borat et Brüno par ailleurs) de faire seulement mine de vouloir bousculer la mécanique avec son argument à lui, un mariage qui prend l’eau presque dès après la cérémonie ? L’argument, bien utilisé, pourrait charmer – si le film n’accumulait pas les erreurs.
Lors du mariage à proprement parler, le télévisuel Stephen Merchant interprète le témoin du marié. Un témoin encombrant : blagues salaces très déplacées, mots d’esprits consternants… Rien que de très normal, me direz-vous : après tout, c’est un mariage. Plus étonnant, et plus gênant, l’esprit beauf potache lourdingue du personnage semble habiter une bonne partie du film, rappelant les saillies fusant dans les autres scénarios de Mazer. Malheureusement, privé des performances redoutables de Sacha Baron Cohen, l’humour apparaît plus lourd encore, difficilement supporté par une bonne partie du casting, au cabotinage en roue libre (avec une mention spéciale à Olivia Colman en conseillère conjugale, insupportable).
Le quatuor principal (Rafe Spall en marié, auteur en devenir et hautement immature, Rose Byrne en mariée, publicitaire classieuse et pressée, Anna Faris, mignonne altermondialiste un peu perdue et Simon Baker en chef d’entreprise riche, élégant et bien évidemment soucieux de ses employés) est un peu mieux loti. Cette caractérisation un peu plus poussée n’empêche cependant pas les personnages de sombrer finalement dans la caricature. En tentant de mettre l’emphase sur les différences qui opposent les deux mariés, le film force grossièrement le trait, rendant l’auditoire incapable d’empathie avec le très lourdingue Rafe Spall et la très superficielle Rose Byrne. Face à eux, l’Eldorado romantique représenté par Anna Faris et Simon Baker semble tellement sympathique et enviable qu’on se prend à se demander comment ces personnages pourront jamais vouloir s’intéresser à l’agaçant couple vedette.
Condamnés par la logique de la rom-com, les malheureux Anna Faris et Simon Baker semblent se débattre pour échapper à la fatalité narrative. Mais, si le film se pique d’originalité en ce qui concerne son argument et l’angle adopté pour le traiter (ce qui reste d’ailleurs sujet à caution), il condamne ses protagonistes comme son auditoire à subir un récit convenu, sans spontanéité ni humanité, et desservi par deux acteurs principaux au cabotinage affreusement mal dirigé.
Médiocre tentative de plaquer une langue vive et vulgaire (et donc drôle de ce fait, semble-t-il) sur un canevas narratif éprouvé, Mariage à l’anglaise est aussi le triste constat de la force persistante des clichés, aussi bien narratifs que sociologiques : on se doit de rester dans sa case. Genre-fantasme par essence, la rom-com suscite ici, paradoxalement, l’envie que le réel condamne les idiots impulsifs à assumer leurs actes, et qu’il offre aux faire-valoir une chance de s’émanciper.