Le premier film d’Annabelle Attanasio, Mickey and the Bear, témoigne d’emblée d’un certain savoir-faire indie – acteurs charismatiques et dialogues efficaces, additionnés de la dose recommandée de subtilité et de pudeur. Mickey est une très belle lycéenne du Montana qui refuse de se conformer à une certaine image de la féminité. D’ailleurs, à la maison, c’est un peu elle, la cheffe de famille, puisqu’elle vit seule avec son père, vétéran qui tente d’apaiser son syndrome post-traumatique à grands renforts d’opiacés. Sur cette base, le récit des doutes d’une adolescente tiraillée entre affection pour son père fragile et désir d’ailleurs peine à trouver de l’ampleur : le terrain est trop balisé et les clichés creusés jusqu’au bout. La relation entre Mickey et son père Hank, d’abord joliment ambiguë, devient ainsi au cours du film de plus en plus explicitement incestuelle.
Restent trois plans où la jeune réalisatrice se détache de l’esthétique passe-partout qui domine la majeure partie du film, au risque de troubler. D’abord, un plan de grue qui se concentre d’abord sur Mickey et son ami Wyatt donne le sentiment que nous arrivons dans un nouvel espace, comme si une ellipse nous avait brusquement projetés dans l’après-lycée, peut-être en Californie ? Mais l’élargissement progressif du cadre révèle finalement que nous n’avons toujours pas quitté le Montana. Peu après, un travelling circulaire rapide donne à une banale conversation entre les deux adolescents et Hank la dimension d’un événement majeur, comme si les affects se voyaient soudain redistribués et le destin de chacun remis en jeu. Enfin, un travelling arrière qui suit Mickey en gros plan en pleine course brouille ses traits, lui donnant un air presque monstrueux. Et ce qui aurait dû être un joyeux mouvement de libération de se retrouver débordé par l’informe. Compte tenu du jeune âge de la réalisatrice, on pourra voir en ces trois dissonances les prémisses d’une audace, plutôt que de simples velléités de faire cinéma.