Atteint d’une forme sévère d’autisme, Tom Spicer vit reclus dans un institut pour adultes handicapés. Sa routine n’est rompue que par deux choses : les visites, épisodiques, de sa famille, et sa passion pour Metallica – en particulier, le batteur Lars Ulrich. Son frère, réalisateur, et sa sœur, journaliste, décident un beau jour de réaliser son rêve : l’amener rencontrer son idole aux États-Unis. Ils partent donc suivre le groupe de concert en concert, dans l’espoir d’organiser une entrevue en coulisses.
Il y a dans Mission to Lars, et dans l’intention profonde du projet, quelque chose de singulièrement agaçant, qui est l’abandon inavouable du frère handicapé par son frère et sa sœur, avant, après et même d’une certaine manière pendant le documentaire. Le projet d’accompagner cet handicapé mental, touchant dans ses incessantes bouderies, reste avant tout une entreprise de rachat un peu pathétique, pétrie d’autosatisfaction. Kate et Will confessent ainsi (au moins, ils ne s’en cachent pas) en début de film que l’âge adulte a éloigné leur vie londonienne de celle, monotone et reculée, de leur frère. En mettant tout en œuvre pour réaliser son rêve, ils restent aussi, gardons-le à l’esprit, dans leur domaine de compétences, de gratification, voire de rémunération financière. Pire : il y a dans leur façon de soumettre le frère a cette entreprise de rapprochement artificiel alors même que lui s’en fiche encore un peu (du moins, il n’est pas assez maître de ses émotions ou présent dans l’instant pour vivre pleinement l’accomplissement de son obsession), quelque chose de profondément dérangeant : une façon de le dompter, de le plier à cet amalgame fumeux entre un gros cadeau étincelant et une authentique unité familiale.
Outre la perplexité qui nous saisit donc à la vue d’un tel film, Mission to Lars reste un honnête docu-mélo : programmé pour éclore sur un final qui ne rate pas, il trace son chemin et surprend peu, à la différence près que les protagonistes luttent non pas contre les obstacles attendus (barrières de sécurité, checkpoints et vigiles) mais contre un ennemi intime, qui est l’angoisse paralysante de Tom. Pour y remédier, ses proches doivent, parfois douloureusement, lui opposer un enthousiasme de fer. Le film s’aguerrit par la dureté des relations que le frère et la sœur entretiennent avec lui, le malheureux autiste menaçant constamment de se verrouiller dans son anxiété, de disparaître. Mission to Lars laisse donc, au mieux, l’empreinte d’un personnage documentaire tragique et touchant ; mais aussi, quelque part, une certaine amertume : après le concert, après l’amicale poignée de main du batteur et du fan, de retour en Angleterre, que se passera-t-il vraiment ? Espérons pour Tom que la famille Spicer ne se sera pas trompée de mission, car la plus cruciale ne s’arrête pas à un concert de heavy-metal.