Zahira, une jolie Belgo-Pakistanaise de dix-huit ans, est prise entre deux eaux : très attachée à son mode vie à l’occidentale (les sorties en discothèque avec sa meilleure amie, l’école, le projet d’études universitaires), elle doit néanmoins sans cesse négocier avec le conservatisme de ses parents qui ont pour projet de la marier avec un Pakistanais du pays qu’elle n’a jamais rencontré. Tombée enceinte de son petit ami qui a vite fait de prendre ses jambes à son cou en apprenant la nouvelle, Zahira hésite à garder l’enfant, convaincue que le statut de fille-mère pourrait la préserver d’une union dont elle ne veut pas. Désemparée, elle s’en remet à son grand-frère Amir, lui-même empêtré dans ses contradictions : soucieux du bonheur de chacun et de sa sœur en particulier, sa conscience ne cesse de plier sous le poids des traditions et des interdits. Parfait exemple ce qu’on pourrait nommer « film à thèse », Noces ne fait malheureusement qu’enfoncer des portes ouvertes en nous rappelant que les mariages forcés, c’est mal, la liberté de choix, c’est mieux. Mais à qui s’adresse le film si ce n’est une poignée de spectateurs déjà convaincus et qui n’auront rien d’autre à se mettre sous la dent que le spectacle d’une famille immigrée qui échoue à s’intégrer ? Qu’est-ce que le réalisateur a à nous offrir si ce n’est un constat sans appel de l’inéluctable poids des traditions ? Toute la dynamique du film tient à cette seule orientation : s’engouffrer sur le boulevard de la fatalité jusqu’à un point de non-retour qui provoquera l’effroi et la colère.
Prison dorée
Pourtant, une seule scène préserve le film du naufrage de bienséance auquel il était promis : appelée à la rescousse par les parents qui cherchent une issue à la crise, la grande sœur bienveillante de Zahira se présente à elle telle une alliée. Mais lors d’une scène de conversation à la violence toute contenue, l’aînée finit par expliquer à la jeune rebelle qu’elle n’aura pas d’autres choix que de plier pour son honneur et celui de ses parents, offrant le spectacle inattendu d’une douce intimidation. Dans ce trop court instant, le film parvient à nous faire oublier son naturalisme plan-plan et son récit trop explicatif pour nous confronter à toute la lourde ambiguïté des relations familiales. Il est dommage que le réalisateur n’ait pas cherché à davantage explorer cette piste et qu’il revienne aussi rapidement à un schéma narratif totalement éculé qui oppose la famille de Zahira aux autres voix dissonantes (notamment lors d’une pénible scène avec le père de la meilleure amie — joué par Olivier Gourmet — où ce dernier semble s’étonner de la rigidité du poids des traditions dans une famille qui a pourtant déjà eu recours au mariage arrangé), jusqu’à cette scène finale, démonstrative à l’excès, vers laquelle l’enjeu du film tendait inéluctablement. L’indignation forcée qui pèse sur le film en fait un objet finalement assez peu aimable (alors que son humanisme revendiqué aurait dû jouer en sa faveur), donnant l’impression que cette bien mauvaise imitation des réalités communautaristes n’avait qu’un seul objectif en tête : faire passer son message coûte que coûte, quitte à faire fi des subtilités que le traitement d’un tel sujet exigeait pourtant.