Les bonnes intentions ne font pas les bons films. La Rafle nous l’a dernièrement rappelé avec insistance, toutes voiles consensuelles dehors. Armé d’une batterie de documents pédagogiques à destination des élèves du primaire et du secondaire, Paisito capitalise sur sa valeur de document, sur son utilité pratique et historique. L’écriture et la mise en scène se rangent alors fébrilement du côté de l’anecdotique et du superflu.
Dans les années 1970, le continent sud-américain passe sous la coupe des dictatures militaires. Les exemples de Pinochet au Chili ou de Videla en Argentine ne manquent pas de répercussion internationale, on parle cependant peu de ce petit bout de terre au sud du Brésil, l’Uruguay. Élu en 1971, Juan María Bordaberry prolonge les mesures de sécurité et d’interdiction des partis de gauche prises par son prédécesseur Pacheco. Détentions sans inculpation et censure permanente sont le lot quotidien des Uruguayens. Malgré ces gages de bonne volonté, l’armée fomente son coup d’État, tandis que l’opposition d’extrême-gauche, les Tupamaros, fait valoir ses objectifs révolutionnaires. En 1973, l’armée prend le pouvoir aux côtés de Bordaberry, annule la Constitution et torture des dizaines de milliers d’opposants. Il faudra attendre les élections de 1984 pour aboutir à la fin de la répression militaire et à une transition démocratique.
Paisito plonge tête baissée dans cette période en plaçant deux jeunes enfants, Xavi et Rosana, en 1973, juste avant la prise en main militaire. Sur fond d’amourette pré-adolescente se trame le monde des adultes, celui d’antagonismes creusant de plus en plus la société uruguayenne. En symbole de ce déchirement, les parents des deux enfants font figure de biens pratiques épouvantails narratifs – le père de la fillette est militaire, tandis que celui du garçon est un ancien Républicain espagnol, sympathisant des Tupamaros. Tout aussi schématique est la construction temporelle du film : situé à la fin des années 1990, le récit s’entête sans fin dans des retours à 1973. Xavi et Rosanna se sont retrouvés fortuitement en Espagne près de trente ans après leur séparation juvénile, ils se remémorent ainsi leurs souvenirs d’enfance, emmaillotés dans les draps d’une quelconque chambre d’hôtel. Outre le caractère foncièrement grossier du stratagème narratif, on ne peut que s’interroger sur le véritable intérêt de cette idylle invraisemblable.
Pures justifications d’apparat afin de parler d’un sujet qui lui tient à cœur, Ana Díez n’a que faire de ces enfants, prétextes et outils d’une démonstration qui les dépasse. Englués dans ce marasme de flash-backs, Xavi et Rosanna n’existent pas en tant que tels, ils ne sont que des postures couchées sur le papier, des incarnations factices. Reste alors l’intérêt de la reconstitution historique, ou du moins du regard porté sur le passé de l’Uruguay. Les quelques bribes attrapées au vent incitent à se renseigner plus en avant sur cette époque et sur ce pays méconnu. Est-ce assez pour considérer le pari réussi ? Peut-on considérer que l’on parle toujours de cinéma quand on s’intéresse finalement à tout à fait autre chose, quand la matière filmique devient secondaire face au but qu’on lui assigne, c’est-à-dire, ici, faire œuvre de mémoire, voire de contrition ?
L’objectif peut être louable. Il n’en reste pas moins qu’assigner un but à une œuvre la dévoie automatiquement de sa fonction essentielle, celle d’essaimer au gré du vent et des regards portés sur elle des propositions de lectures ou de sensations. Si le but est assigné autoritairement et unilatéralement, sommes-nous toujours dans le domaine de l’art ou plutôt dans la communication ? La question est d’autant plus prégnante que rien dans la forme ne rattache le film à une tentative artistique : le montage se résume simplement à un enchaînement de champ-contrechamps aussi fades qu’anesthésiants, tandis que la lumière de l’Uruguay semble avoir été ratiboisée sous une coupole froide et terne. Si le sujet vous intéresse, préférez la page Wikipédia.